« Agir n’est jamais difficile : nous agissons toujours trop et nous répandons sans cesse en actes désordonnés », écrit Simone Weil, qui entend engager la philosophie sur le terrain de la vie, se frotter au rugueux de la réalité pour éprouver la pensée qu’elle construit patiemment.
« Agir, c’est beaucoup d’efforts pour peu d’effets », explique François Jullien à propos du point de vue chinois et l’on comprend alors pourquoi « l’action n’existe pas en Chine » où c’est plutôt le non-agir qui est visé, un non-agir qui implique toutefois que « rien ne soit pas fait ».
« L’homme ne peut pas ne pas agir », constate la sagesse indienne dont Ysé Tardan-Masquelier se fait l’écho : dans ces conditions, autant diriger son action vers le maintien de l’ordre du monde, et plus tard, privilégier les actes qui libèrent à ceux qui alimentent le cercle vicieux du samsāra.
Ces réflexions issues de plusieurs points de vue posent toutes une question, à la fois simple et redoutablement complexe : comment vivre sans agir ? Autrement exprimée : qu’est-ce qu’agir ? Qu’est-ce qu’une action juste ? Et : qui agit ?
Entre rationalité et spiritualité, entre éthique et stratégie, chaque univers de pensée a tenté de répondre à ces questions : ce sont ces différents « points de vue » qui dialoguent dans ce numéro des Cahiers et ce faisant, qui élargissent notre conception occidentale de l’agir. Ce dialogue fructueux – et les écarts qu’il explore sans chercher à les réduire – permettra également au lecteur de capter ce qu’il y a de singulier dans la pratique et les textes du yoga.