Yoga et maternité

Cet article est extrait du Journal de l’IFY.

« L’arrivée d’un enfant représente une étape importante et privilégiée dans la vie d’une femme. Cet événement s’accompagne souvent d’une grande joie mais aussi d’inquiétude par rapport aux transformations du corps, au développement du bébé, à l’accouchement et aux bouleversements physiques et psychologiques qui se produisent pendant cette période.
Je suis arrivée moi-même au yoga quand j’étais enceinte de ma première fille et j’ai découvert que le yoga pouvait être une aide précieuse pour vivre la maternité de façon sereine et harmonieuse. J’ai suivi une préparation à l’accouchement avec un professeur de yoga, assisté d’une sage-femme. Cette préparation, axée sur la respiration et la relaxation, m’a beaucoup aidée au moment de la naissance de ma fille. Depuis, j’ai continué la pratique du yoga et j’ai progressivement réalisé ce qu’il pouvait m’apporter dans bien d’autres moments de la vie.
J’ai choisi ce moment particulier de la vie d’une femme avec la volonté de l’aborder de façon très pratique et en le reliant à ma première expérience de l’enseignement du yoga. J’ai voulu également rencontrer des personnes travaillant dans le milieu médical pour confronter ce qui, dans le yoga, me paraissait adapté à la grossesse et à la préparation à l’accouchement. J’ai ainsi échangé avec un médecin spécialisé dans ce domaine et avec une jeune infirmière ayant travaillé quelques mois dans une maternité.

Parmi les différentes définitions du yoga, j’ai retenu en particulier la définition de YUJ-qui signifie : joindre, unir, atteler. La pratique du yoga permet en effet d’établir un lien :

Pratiquer le yoga, c’est mettre en relation le corps, le souffle et le mental (yoga samgati), c’est rendre la respiration consciente. La respiration s’allonge avec les mouvements du corps. La dispersion mentale diminue quand le souffle ralentit. Pour la femme enceinte, le yoga permet de prendre conscience de la vie qui se développe en elle et d’installer un lien, une relation plus intense avec son bébé.

Le yoga c’est aussi prendre conscience de l’état dans lequel on est pour aller vers un état dans lequel on veut aller. Dans la pratique du yoga, il y a une idée de progression, d’étapes successives, à court terme (à l’intérieur d’une séance) mais aussi à long terme. Cette dernière définition du yoga qui procède par étape et par adaptation me paraît particulièrement adaptée à la femme enceinte.

LES ETAPES DE LA GROSSESSE

D’une façon générale, pendant toute la grossesse la pratique des āsana doit être réalisée en fonction de l’état de la femme enceinte, de ses possibilités physiques et de son état de santé. Les postures peuvent être prises en dynamique ou en statique en prenant garde de ne jamais forcer. Les mouvements se font lentement en accord avec la respiration. L’objectif de la pratique du yoga pendant la grossesse est de faire travailler les parties du corps qui seront sollicitées pendant l’accouchement et faire en sorte que les muscles du bas du corps ne se raidissent pas afin de favoriser le développement de l’enfant.

Certaines postures ne sont pas recommandées pendant toute la période de la grossesse :

Les trois premiers mois

Le début de la grossesse est souvent associé à des problèmes physiques plus ou moins gênants (nausées, problèmes digestifs, fatigue, etc.). Des transformations profondes s’opèrent durant cette période, les trois premiers mois de la grossesse demandent donc beaucoup de prudence et de vigilance dans la pratique des postures. Les séances de yoga seront surtout axées sur la détente des différentes parties du corps et sur la respiration.
La pratique de yoga pendant la première période de la grossesse aura pour but :

Le milieu de la grossesse

Le deuxième trimestre de la grossesse est une période généralement calme et confortable. Les désagréments éventuels du début s’estompent. Le ventre s’arrondit sans que le bébé ne prenne encore trop de place. C’est aussi la période où les mouvements du bébé commencent à être perceptibles puis à se faire plus intenses.
Pendant cette phase de la grossesse, la pratique des postures va pouvoir s’intensifier légèrement.
La pratique de yoga pendant la deuxième période de la grossesse aura pour but :

Les trois deniers mois

Au cours du troisième trimestre, le corps se prépare à la naissance du bébé. Les articulations du bassin commencent à s’assouplir, le ventre s’arrondit et l’utérus prend de plus en plus de place. Cette transformation du corps peut entraîner différents types de douleurs ou de désagréments. L’augmentation de la taille de l’utérus provoque des problèmes mécaniques liés à la compression, à l’étirement des muscles et des ligaments. Les douleurs peuvent se produire dans le bas du ventre, au niveau de l’aine et dans la région sacro-iliaque. Des douleurs peuvent également être ressenties dans le dos en raison de la modification de l’équilibre du corps et de la cambrure qui peut s’accentuer.
La pratique de yoga pendant la troisième période de la grossesse aura pour but :

Pendant ces derniers mois, les postures recommandées dès le début de la grossesse peuvent être pratiquées avec un peu plus d’intensité, les postures debout doivent cependant être supprimées pour éviter une trop grande fatigue.

LA PRÉPARATION À L’ACCOUCHEMENT

Le haut du dos : le haut du dos et la nuque peuvent être des zones sensibles pendant la grossesse, notamment chez les femmes qui avaient déjà une fragilité de ce côté-là. Pour diminuer les tensions dans cette partie du dos, on fera pratiquer des postures qui auront pour but d’étirer en douceur la colonne vertébrale et réduire la cambrure du dos.

Le bassin : cette région du corps est très sollicitée pendant la grossesse et au moment de l’accouchement. Pendant les derniers mois de la grossesse, les os du bassin deviennent plus élastiques pour préparer le passage du bébé. Il est donc important de préparer cette partie du corps par des postures d’assouplissement.

La région lombaire et la région sacro-illiaque : la région lombaire est souvent fragilisée pendant cette période. Le poids du ventre va naturellement entraîner une cambrure de plus en plus accentuée qui peut provoquer une douleur dans le bas du dos. L’origine de cette douleur est liée au relâchement des ligaments du bassin, en particulier de l’articulation qui unit le sacrum et les os iliaques (les deux gros os du bassin). Pour travailler cette partie du corps deux types de postures sont particulièrement conseillées pendant la grossesse : les postures accroupies et les postures allongées avec genoux fléchis. Dans la position allongée, on peut faire pratiquer des mouvements de jambes alternées (une jambe sur le sol avec genou fléchi et une jambe repliée vers l’abdomen).

Le périnée (plancher pelvien) : Le périnée joue un rôle central pendant la grossesse et sera fortement sollicité au moment de l’accouchement. li est donc essentiel de faire travailler cette zone à la fois dans la contraction, pour éviter que le bébé ne pousse trop sur le bas du ventre et dans le relâchement pour assouplir les muscles pelviens et éviter les problèmes au moment de l’accouchement.
Pour travailler le périnée, les postures les plus indiquées sont les postures à quatre pattes ou les postures assises en lotus ou demi-lotus ainsi que les postures allongées jambes écartées en lotus.
Dans toutes ces postures, la respiration joue un rôle important : le périnée se relâche à l’inspiration quand le diaphragme s’abaisse et que le ventre se gonfle. Le périnée se contracte à l’expiration quand l’air remonte du ventre vers la cage thoracique en faisant remonter le diaphragme.

Les abdominaux : la ceinture abdominale se compose de plusieurs types de muscles:

Pendant la grossesse, l’objectif de la séance de yoga sera de ne pas chercher à raccourcir les muscles grands droits mais au contraire de les étirer.
Le deuxième objectif pour éviter que le bébé pèse trop dans le bas du ventre sera de faire travailler davantage les muscles obliques et le muscle transversal. On pourra par exemple, faire pratiquer la torsion couchée sur le dos avec les jambes fléchies et les pieds au sol (jathara parivṛtti).

LA RESPIRATION

La respiration est particulièrement importante pendant la grossesse et au moment de l’accouchement. Bien sentir la respiration à l’intérieur du corps permet à la femme enceinte de mieux s’oxygéner, de réduire les tensions dans le corps et d’apporter de l’oxygène à son bébé. Un des objectifs du yoga est de faire prendre conscience du souffle, de rendre la respiration consciente, grâce au pranayama.
Le pranayāma doit être pratiqué dans une posture assise confortable (en lotus ou demi-lotus si la souplesse du bas du corps est suffisante, assise sur un coussin ou sur une chaise). Le menton est légèrement rentré en jālandhara bandha.
Pendant la grossesse, les rétentions à vide comme à plein, ne sont pas conseillées.

A l’inspiration, l’air rentre par les narines, remplit les poumons, le diaphragme s’abaisse et le souffle descend jusque dans le ventre, puis jusqu’au périnée. A l’expiration, le souffle part du bas du corps, remonte vers la cage thoracique, le diaphragme se soulève, le plancher pelvien se contracte légèrement, l’air remonte jusque dans la tête pour être expulsé par les narines. Dans la pratique des āsana, la respiration consciente agrandit l’espace du diaphragme et permet une meilleure circulation de l’énergie entre le haut (prāṇa) et le bas du corps (apāna).

Parmi les différentes techniques respiratoires qu’offre le yoga, on peut en retenir cinq particulièrement bien adaptées à la grossesse :

L’UTILISATION DES SONS

La respiration consciente (prānāyāma) peut aussi être pratiquée avec l’introduction du son sur l’expiration. La pratique du chant pendant la grossesse permet à la femme de créer un lien avec son enfant, c’est aussi un moyen de détente et de concentration au moment de l’accouchement.

Pendant une séance de yoga, on peut introduire le son dans plusieurs postures sur l’expiration. Dans les postures debout avec un mouvement de bras, dans les postures d’étirement, mais aussi dans tous les moments de relaxation avec les yeux fermés.

Les sons qui peuvent être utilisés sont par exemple le son OM ou le son AOM, où le A, le O et le M sont répartis de façon égale sur toute l’expiration. Le son A vient du ventre et doit être assez fort, la bouche s’arrondit pour le son 0, puis se ferme pour le M et le son s’estompe progressivement pour se terminer en murmure. On peut aussi utiliser le son MA qui vient du ventre et qui donne de l’énergie. Sa répétition mentale peut être une bonne préparation à l’accouchement lorsque les contractions deviennent très puissantes. On peut également faite pratiquer le son MAM en le répétant trois fois afin d’allonger l’expiration.

Ces sons produisent des vibrations très profondes et peuvent être très bénéfiques pour la femme enceinte et pour son bébé. »

Françoise DUPONT, professeur IFY – 2008