L’article ci-dessous est extrait de la revue « Les Mots du Yoga » éditée par l’association régionale IFY Sud et reproduit avec l’aimable autorisation de celle-ci.
« Les mahā-bhūta sont les 5 éléments à la base de la matière.
Ils font partie de la Prakriti, la Nature. La description de celle-ci est bien détaillée dans le traité sur lequel le yoga fonde sa pratique expérimentale. Ce texte, nommé Sāmkhya-kārikā, est daté de plus de deux mille ans, il enseigne la connaissance discriminatrice comme moyen de se libérer de la triple souffrance duhkha traya :
- celle qui provient de soi-même, ādhyātmika,
- celle qui provient des autres créatures, ādhibautika,
- celle qui provient des catastrophes naturelles ādhidaivika,
Le texte originel attribué au maître kapila est perdu. Il reste de son existence le commentaire qu’un sage nommé Ishvara Krishna a rédigé :
Les Sāmkhya-kārikā (Traduits en français par Bernard Bouanchaud aux éditions Āgamāt).
La constitution et la transformation de l’homme et de l’univers y sont exposées avec précision.
À l’origine, deux grands principes étaient là, posés, en équilibre.
Le principe conscient Purusha, que l’on peut traduire par « l’humain » et le principe nature Pradhāna, que l’on peut traduire par « ce qui est éminemment posé avant ».
Leur proximité a engendré un désir si puissant qu’il s’est manifesté sous la forme d’une pulsion de vie extraordinaire : Prāna. Ce souffle vital a mis en branle les principes latents dans la nature. Celle-ci, en se mettant en mouvement, est passée de l’état non-manifesté âvyakta, à l’état manifesté vyakta. C’est ainsi qu’elle devient la bien-nommée Prakriti que l’on peut traduire par « ce qui a été éminemment fabriqué ».
De ce premier déséquilibre est apparu un nouveau cycle de manifestation.
Le principe conscient, Purusha, reste présent à chaque étape mais il apparaît comme prisonnier de la danse de la nature, Prakriti, tel un spectateur captivé par la danseuse qu’il contemple. Il se mélange, s’associe à ce qui change et se transforme, il oublie qu’il est libre depuis toujours.
Cette illusion est due à l’impureté de l’instrument de conscience, le psychisme fait de pensée, d’affect, de personnalité et d’intelligence citta.
La finalité du yoga est de rendre toute sa pureté à notre esprit pour qu’enfin, le principe conscient, Purusha, en nous se reconnaisse dans sa nature propre faite de simplicité et de liberté kaivalya.
L’humain existe dès le début de cette aventure puisque purusha signifie « homme » mais non encore développé dans sa finitude. Il existe
à l’état potentiel.
Cette conscience est présente depuis toujours, elle n’est pas produite et ne produit rien (en cela elle n’est pas créatrice même si elle est très
« inspirante »). Elle réside à chaque étape de l’évolution, au cœur de ce qui est caché, au centre de tout ce qui est perceptible.
La nature en mouvement, Prakriti, est productrice. De sa danse naît en premier la part de vérité, d’intelligence et de sagesse, buddhi. Puis
vient la personnalité, belle et singulière lorsqu’elle est au service de la conscience, āsmita rūpa. Les facultés de perception, les facultés
d’action et de représentation, les indriya sont produites avec les grands principes Tattva et les 5 mahābhūta. Ils constitueront le corps grossier matériel et perceptible agissant et en échange permanent avec l’environnement.
Dans cette anthropologie difficile à envisager pour un esprit occidental, c’est le subtil qui précède le grossier, qui le désire et qui l’engendre.
À un moment de la manifestation, la nature, Prakriti, constituée des trois fils qui la tissent, sattva*, rajas* et tamas*, se densifie jusqu’à former les 5 Maha-Bhūta, les 5 éléments grossiers : Ākasha, l’espace vient d’abord puis Vāyu, l’air, puis Tejas, le feu, puis Ap, l’eau et enfin Prithivi, la terre.
Ils seront à la base de tout ce qui est dense et perceptible en nous et dans l’univers, mais il ne faut pas oublier que la nature, Prakriti, est
aussi constituée en grande partie d’imperceptible.
« Tout ce qui est là-bas (à l’extérieur) est ici (à l’intérieur de l’homme), tout ce qui est ici est là-bas, ce qui n’est pas ici n’est nulle part ».
À travers cette analogie entre l’univers et l’homme, nous comprenons que la quête des yogi se déroule à l’intérieur d’eux-mêmes, par la méditation, au service de la connaissance libératrice.
Les 5 éléments, ainsi que les 11 indriya et le psychisme, constituent l’incarnation de l’être en nous, celui que nous cherchons à connaître et à libérer. Ils constituent également le champ de nos expériences.
YS II-18 : Prakriti a comme nature la clarté, l’activité et la stabilité. Elle est constituée d’éléments inertes (maha bhūta) et des facultés (les 11 indriya). Sa raison d’être est de procurer des expériences et de permettre la libération du sujet.
*Sattva : légèreté, lumière, transparence, transcendance.
*Rajas : mouvement, dynamisme, agitation, dispersion.
*Tamas : densité, inertie, obscurité,stabilité.
Sandra ERMENEUX, Formatrice IFY – 2022