L’article ci-dessous est extrait de la revue « Le journal de l’IFYLO » » éditée par l’association régionale IFY Loire-Océan et reproduit avec l’aimable autorisation de celle-ci.
» Quelle métaphore que l’oiseau migrateur, le «Hamsa» des Upanishads, le cygne à l’intérieur du plexus solaire. « Hamsa » inversé devient «So Ham», qui veut dire « je suis lui». A chaque battement d’ailes, « je suis », ou encore, j’inspire, j’expire …
Léger, rapide, facile, libre, sans entrave, agile, sont les qualitatifs qui traduisent le même mot : LAGHU. Il est bien difficile, après avoir pratiqué une séance de yoga, d’exprimer les qualités ressenties dans nos espaces tant corporels qu’intérieurs.
Quel bonheur d’accueillir après sa séance de Yoga des ressentis dans notre corps physique délassé.
Plus d’espace pour un souffle tranquillisé, le plexus solaire vivant ou encore le ventre souple, la gorge libre, les membres agréablement conscients, le regard clair, la tête désencombrée, le cœur léger. Le pratiquant en profite et son entourage aussi.
Ici nous ne parlons pas de la légèreté comme de l’inconsistance, ou d’une attitude légère frôlant la négligence et la vulgarité, ni de la frivolité ou du papillonnement de la distraction occupationnelle et curieuse. C’est plutôt d’un état difficile à acquérir et à maintenir. Nous voulons parler de la légèreté par opposition à la lourdeur, au triste sérieux qui entoure les préjugés et les opinions toutes faites, à tout ce qui enferme, limite et ralentit notre épanouissement et notre évolution.
Pourquoi y a-t-il dans le Hatha yoga tant de postures qui font référence au règne animal, et notamment de volatiles, cakravakāsana, pincāsana, mayursāsana, kukuāsana, bhakāsana …… Les oiseaux ont la capacité de se déplacer dans les airs et pour certains traverser des milliers de kilomètres pour retrouver la terre, lieu de reproduction ou de nourriture. Ce qui les guide est plus fort que tout. Et pour voyager ils ne s’encombrent pas, ainsi, ils n’ont qu’eux mêmes ; pas de sac ni de provisions, de « s’il pleut»,« s’il fait chaud»,« et si je m’ennuie» …
C’est le mantra naturel, le frottement de l’air contre les plumes des ailes, le bruissement du souffle dans les conduits du corps subtil (nadis), chanté nuit et jour, inconsciemment et consciemment en Yoga, dans le but de traverser cette vie à la rencontre des expériences offertes …
De tous temps les hommes ont voulu comprendre et connaître ce rythme mû par Prāna, l’énergie de vie si précieuse pour notre traversée. Cette connaissance est essentielle et se découvre par soi-même grâce aux changements que nous franchissons. Nous portons en nous des poids de toutes sortes.
Comment ôter les nœuds de nos dos, de nos têtes, ceux logés dans nos gorges, dans nos ventres, ceux qui couvrent nos cœurs.
La légèreté ressentie à ces moments est une confirmation : notre pratique est correcte pour nous, elle nous rend heureux. Se libérer de la dépendance vis à vis de lourdeurs auxquelles nous tenons, d’impuretés toxiques qui nous encombrent, est le sens de la pratique du Yoga. Comme une vérité, la légèreté acquise alors permet d’accéder à d’autres paysages intérieurs plus subtils et riches de possibles.
Légèreté & Hatha Yoga Pradipika
«hathasya prathamangghatvadasanam pürvamuchyate kuryattadasanam sthairyamaroghyam changalaghavam» HYP I § 17
Le Hatha Yoga Pradipika, texte du 15e siècle introduit en préalable la pratique des postures, āsana, comme première partie de l’étude du yoga. Après avoir pratiqué convenablement āsana, trois effets peuvent être remarqués :
1- la stabilité du corps et du mental, (sthairya sharira)
2- l’absence de maladie (ārogya),
3- la légèreté des membres (ānga lāghava).
Par āsana
Asana est la première partie du Hatha yoga. La pratique spécifique des postures de yoga ouvre les canaux d’énergie et les centres psychiques. Le Hatha Yoga est un processus par lequel sont instaurés la purification et le contrôle du corps. En pratiquant les postures, nous développons la stabilité et diminuons les risques de maladie.
Quand le Prāna circule librement, le corps en retire de la souplesse. La raideur articulaire vient des blocages et de l’accumulation de toxines. Quand le Prāna se répand, les toxines sont éliminées de l’organisme par la voie de la circulation sanguine via le cœur puis par les poumons et éliminées par l’expiration. On peut se pencher et s’étirer d’une manière naturelle sans avoir à exécuter des exercices vigoureux d’échauffement. Quand la réserve de Prāna augmente, le corps peut se mouvoir de lui-même librement, plus rapidement. Vous pouvez constater que vous effectuez les postures comme jamais auparavant. Ceci est dû à un état de détente et à l’augmentation du rythme vibratoire de l’énergie vitale en vous.
Le texte poursuit avec des conseils de nourriture, ne manger ni trop ni pas assez, une nourriture savoureuse, douce et fraiche, en respectant de bonnes combinaisons entre les aliments. Il est aussi conseillé d’éviter des efforts trop intenses ou de trop longs repos.
Par prānāyāma
Viennent ensuite les techniques de Prānāyāma, c’est-à-dire les techniques de régulation du souffle. Les inspirations douces, sans saccade, silencieuses, s’alternent régulièrement avec des expirations légèrement plus longues en rentrant le ventre.
Ceci avec concentration, confort, aisance. Ainsi les pensées pourront se ralentir progressivement et le cœur s’apaiser. Viendra alors peut-être un sentiment de légèreté corporelle, suivant les exercices physiques rapides et sportifs, et la lenteur du souffle.
En conclusion, le Hatha yoga a pour but de réduire l’agitation mentale tout en luttant contre l’inertie et la lourdeur corporelle. Il est à reconnaître ici que chaque individu a une perception toute personnelle de ce qu’est la légèreté pour lui.
Légèreté & Yoga Sūtra
«kāyākāshayoh sambandhasamyamāllaghu tūlasamāpatteshcākāshagamanam» YS III. 42.
«La pensée absorbée sur la relation entre le corps et espace, tout en ayant l’esprit imprégné de la légèreté de la fibre de coton, permet de voyager à volonté dans les espaces.»
Nous trouvons aussi dans les Yoga Sūtra, une référence à la légèreté. Dans son aphorisme 42 du troisième chapitre, Patanjali évoque l’acquisition de la qualité de légèreté face aux changements, aux transformations, aux voyages. Il est question ici de la capacité à traverser l’espace en étudiant avec soin la relation qui existe entre un corps matériel dense soumis à l’apesanteur et l’espace autour de lui.
C’est donc la possibilité de se déplacer d’un lieu à un autre sans obstacle ni entrave. Rien ne s’oppose alors à aller et venirlibrement, «libre comme l’air».
Ce sūtra propose une méditation, celle de tourner son esprit sur la légèreté que peut évoquer la fleur de coton. Il est suggéré d’éprouver et de développer ce sentiment agréable grâce à cette évocation.
Comme la madeleine de Proust, fermer les yeux et laisser venir à notre esprit un objet très léger traversant l’espace, en créant ainsi, grâce à la visualisation, un état correspondant, pouvant nous permettre de voyager en restant serein dans bien des situations stressantes. Il ne s’agit pas d’oublier son corps ni de distraire son attention sur autre chose mais bien d’une discipline pour entrainer le cerveau à créer un état sensoriel grâce à cette évocation.
Il s’agit de reconnaître les possibilités que peut avoir l’esprit sur la matière.
Le matin : Tapas kriya *
Tous les matins, suivez ces *actions quotidiennes du corps et souffle , que le soleil soit là ou non, en voyage ou chez vous, à la mer ou à la montagne, au moins à l’heure où le soleil est encore rouge, buvez à jeun un peu d’eau chaude citronnée, et
faites de grandes et douces ventilations complètes et poursuivez avec une salutation debout et des étirements de colonne vertébrale sur 15 mn. Prenez un temps afin d’emmagasiner le Prāna dans votre cœur. Remplissez-le de belles et bonnes suggestions et de qualités que la Mère Nature nous offre. Vous pouvez lire quelques lignes inspirantes, poétiques ou que vous aimez. Cela va augmenter votrevitalit é, vos désirs de découvrir et de mettre en route tout votre optimisme.
Les repas : hara *
*Se nourrir ni trop ni pas assez, plein de couleurs et de parfums dans l’ambiance la plus calme, assis et respirant entre chaque bouchée. Expérimentez la plus sage des techniques : buvez les nourritures solides et mâchez les boissons. Il y a des records à battre, mâchez 30 fois chaque aliment. Ainsi le corps ne s’alourdit pas, la digestion devient rapide et une sensation de légèreté vous envahit. Sourire intérieurement et gérer des relations d’amitiés entretiennent un climat de calme et un espace doux dans le plexus solaire.
Le soir : samtosha*
Pratiquez le *contentement en fin de votre journée. Il s’agit de se souvenir des bons moments passés dans votre journée, même les plus simples comme un service rendu, un travail réalisé, des retrouvailles. Cette pratique aide à alléger les
complexités qui peuvent rester sur le cœur. Elle prépare aussi le bon endormissement et donc le ressourcement durant la nuit, sans avoir surchargé l’estomac.
Hygiène mentale quotidienne
Rester léger au quotidien, reconnaître cette sensation et l’entretenir est la meilleure attitude pour ne pas se laisser prendre par les complications qui alimentent les états pesants. Retenez ces suggestions :
Pour soi : ASTO
- Agir de bonne humeur, avec altruisme, douceur, humilité, c’est se donner des chances pour éloigner le doute et ses collègues culpabilisants,
- Simplicité, il n’y a que 24 h même l’été, établir un emploi du temps souple et ouvert donne un cadre pour évaluer le traitement des priorités,
- Trier régulièrement en se débarrassant des choses inutiles est favorable à éliminer des tensions internes, faire des listes et rayer ce qui est réalisé c’est déjà se transformer,
- Dédramatiser entretient ce qui est léger et si l’humour peut être au rendez-vous, c’est gagné !
Avec les autres : PEL
- se méfier des Présupposés, c’est à dire croire ou déterminer à l’avance de ce qui sera bon ou mauvais sans laisser d’ouvertures avec les autres, chacun voit midi à sa porte, alors attention aux interprétations hâtives et sans fondement,
- parler, échanger, oui, en saisissant le moment pour introduire l’Écoute intérieure, sinon l’effervescence et les débordements l’emportent,
- rester l’esprit Libre pour l’imprévu, ouvert à l’aventure …
Légèreté
Elle est en fait le résultat d’un processus de nettoyage, (saucha) du corps certes, mais aussi de l’esprit, c’est à dire l’activité des pensées. Parmi de nombreuses techniques de yoga nous avons nadi shodhana, la purification de canaux subtils qui produit un sentiment de légèreté. Plus je nettoie, plus je suis content, plus les choses peuvent me paraître simples, faciles, accessibles et possibles. Pourquoi s’en priver ?
Jean-Yves DEFFOBIS, formateur IFY – 2018