L’adaptation est l’une des spécificités du Yoga de l’IFY, inspiré de l’enseignement de T.K.V. Desikachar dont parle Martyn Neal, Formateur IFY, dans l’hommage qu’il lui a rendu en septembre 2016.
Lina Franco Morrison, Formatrice IFY, nous donne sa vision de ce qu’est l’adaptation dans le yoga :
« Adaptation (viniyoga) : c’est l’idée d’une application appropriée des techniques en fonction d’un maximum d’informations glanées par l’observation et l’écoute.
Qu’est-ce qu’adapter ? Dans le yoga, plus particulièrement lorsqu’on parle de techniques posturales et respiratoires, il s‘agit d’ajuster, de modifier, parfois d’accorder son comportement à de nouvelles situations. L’adaptation indique une action mais aussi une faculté, c’est-à-dire l’aptitude (d’un individu) à changer ce qui est acquis, ce qui est connu tantôt de la technique (« son » savoir) tantôt de sa manière de faire (« son » expérience).
Pourquoi changer ? Pour s’y prendre différemment, pour intégrer ce qui était jusqu’ici inaccessible, inconnu ou dont on n’a pas l’habitude. L’adaptation cherche un accord entre le vieux et le nouveau. Entre le connu et l’inconnu. Entre le possible et ce qui est perçu comme impraticable, inapplicable, infaisable. Sur le tapis, il n’y a pas de place pour ce que Spinoza appelait « le corps sans frottement » aux limites, aux contraintes, aux perturbations, aux passions. La pratique apprend à se coltiner le tapis, à adapter (accommodare) autant que la nature des choses l’exige [quantum rerum natura exigit]¹ . Autant que la situation et la nature de la personne oblige.
Toute adaptation se nourrit d’une observation fine et d’une écoute subtile. Elle peut être considérée comme un upāya² ; un outil, une méthode pour s’approcher, arriver, en venir à clarifier les fausses perceptions, vaincre les résistances, surmonter les refus, brefs remettre en mouvement ce qui est fondamentalement bloqué, et également remettre en cause ce qui est habituellement établi … chez le pratiquant, d’ailleurs, comme chez le professeur. L’enjeu, c’est bien plus qu’une application appropriée des techniques. Car dans le fait de partir de là où on se trouve, puis « marcher, aller » autrement, se joue la possibilité d’une transformation profonde de l’être.
L’adaptation ne se produit pas épisodiquement. Elle s’articule par paliers. Son application balise un chemin d’accompagnement et de progression qu’on appelle Viniyoga³. C’est certainement sur le long terme que ce pair d’upāya – adaptation et progression – révèle ses véritables joyaux : une prise de conscience qui ouvre sur le lâcher-prise, grâce auquel ce qui encombrait le yogin l’abandonne petit à petit. Les voiles s’écartent, puis tombent redonnant alors à la conscience une nouvelle clarté. »
¹ YS, II 26 vivekakhyātiḥ aviplavā hānopāyaḥ : Upāya, de la racine I– « aller, marcher, se mettre en mouvement, atteindre, arriver à … » ; le mot veut dire « outil, voie, stratagème, remède… », et également « terme, arrivée … ». Le préfixe upā, qui indique « une situation ou un mouvement vers » précède le nom aya : « le fait d’aller, de marcher … ».
² YS, III 6.
³ YS, III 6.
Lina FRANCO MORRISON, Formatrice IFY – 2023