La transmission – Atha Yogānushāsanam.

Le texte ci-dessous est extrait de la revue « Passerelle » éditée par l’association régionale IFY Espace Nord.

« Et maintenant, l’enseignement du yoga va commencer ! C’est le 1er sutra du 1er chapitre des Yoga Sutra de Patanjali et comme il définit bien l’idée de transmission !

Transmettre, du latin «trans» et «mittere « : déposer, envoyer au-delà. Du grec « teros » et du Sanskrit «tara» : exprimant l’idée de l’au-delà comme le latin et donne donc l’idée d’éloignement, de ce qui est plus écarté, plus en dehors, plus au-delà comme l’étoile qui nous guide. Transmission, du latin «transmissio» : le «trajet», la «traversée»; le «passage», issu du latin «Transmitto» qui lui, désigne l’action «d’envoyer d’un lieu dans un autre».
Si on se tourne vers le dictionnaire, transmission c’est : céder, mettre ce que l’on possède en possession de l’autre (comme un héritage). C’est « faire passer » : on a reçu quelque chose et on le passe.

Au-delà de ces considérations linguistiques et étymologiques, l’idée de transmettre, de transmission, pour le groupe qui s’est réuni ce week-end là, au côté de Marina, a d’abord été l’idée d’un trésor que l‘on a envie de partager tout en laissant la liberté aux élèves de faire leur propre expérience, sans vouloir les enfermer dans un schéma déjà préexistant.

Quand Patanjali nous enseigne « et maintenant, l’enseignement du yoga va commencer », c’est qu’il y a eu un travail avant (et maintenant) et qu’il va y avoir un travail après (va commencer) et ce travail va demander, de la part de l’enseignant et de l’élève un engagement, une détermination. Cette démarche n’est pas neutre !

Puisqu’il s’agit d’un enseignement, il y a donc deux personnes : une prête à donner, l’autre prête à recevoir.
Il s’agit d’une relation de confiance et d’acceptation de l’aide de quelqu’un d’autre. Mais suis-je prêt à me mettre en route ? À accepter l’aide du professeur ?
Dans la relation maître-élève, il faut tenir compte des potentialités de la personne qui reçoit l’enseignement, car l’enseignement va permettre une transformation profonde de l’élève mais toujours en fonction de ses caractéristiques personnelles, son histoire, sa vie familiale… Ainsi, le bois ne deviendra jamais du métal !
Dans la relation maître-élève ce n’est pas : un sait et l’autre reçoit, les 2 savent mais l’enseignant peut juste permettre à son élève de voir. Ils s’enrichissent mutuellement, c’est un partage. Et comme le disait Desikachar : « ce n’est pas l’enseignant qui est facilitateur, mais la relation ». L’enseignant n’est pas la cause directe du changement chez son élève mais il se laisse traverser par une inspiration de ce qui est bon pour lui, à ce moment-là. Mais cela n’est possible que si l’enseignant a fait un travail sur lui-même.

Les obstacles sont, quant à eux, soit liés au professeur, soit à l’élève, soit à la relation entre les 2.
Par exemple pour un professeur : il peut être dans un état émotionnel qui n’est pas un état de stabilité. Et en même temps, ce n’est pas forcément un obstacle, cela prouve qu’il n’est pas sur un piédestal, qu’il n’est pas un super-héros !
Un exemple pour l’élève : la quête de performance La littérature sur le yoga, dans les magazines, nous montre sans cesse une image du yoga faussée, basée sur le paraître, la belle posture, la belle femme, les vêtements …. Il faut continuer malgré ces images publicitaires, à transmettre un yoga de qualité, juste, respectueux de la personne, même aux risques de perdre certains élèves …
Certains élèves attendent des résultats rapides, or, le yoga demande un travail de longue haleine qui a pour objectif d’apaiser le mental, et, tout ce travail fait même une fois par semaine, va avoir un effet durable sur la personne.

Et pour finir le week-end, une question essentielle est apparue : la chaîne de transmission devient de plus en plus longue, de plus en plus riche, mais le dernier maillon a-t-il encore quelque chose à voir avec le 1er maillon ?!
Est-ce qu’au fur et à mesure des transmissions, quelque chose se perd, se dilue ?

Le guru, c’est celui qui a du poids, celui qui porte la lumière, celui qui partage la lumière ! Il est comme un paysan qui veut faire pousser son champ. Ce n’est pas lui qui va faire pousser la graine mais sa connaissance du terrain, de ses caractéristiques, sa capacité à enlever les obstacles qui empêchent l’eau de s’écouler plus facilement… Le professeur a une responsabilité mais il doit rester humble dans la transmission car tout ne dépend pas de lui, il y a des choses qui nous échappent et du coup, l’idée est de se concentrer sur la qualité de l’action et de se relâcher par rapport aux
résultats. A partir d’une même personne, d’un même enseignement, il peut y avoir tellement de différences tant sur l’enseignement donné que sur l’enseignement reçu !

Pour Marina, ce qui est important, c’est de transmettre l’esprit du yoga par des outils. Le but du yoga est que la personne se sente à sa place, en contact avec quelque chose de vivant en elle. En tant que professeur, on peut se poser la question suivante bien souvent : est-ce que je respecte les valeurs du yoga que j’ai reçues ?
Oui, si j’ai une attention particulière pour chaque élève !
Oui, si je suis présente, vraiment présente, dans la relation avec mon élève !
Oui, si je ne suis pas dispersée dans mon enseignement !
Dans cette chaine de transmission, il y a tellement de choses qui nous dépassent !

Se laisser inspirer et être seulement le véhicule de la transmission ! »

Isabelle Henning-Domagalla, Présidente de l’association IFY Espace Nord – Février 2018