Martyn Neal, Formateur IFY, a rédigé le texte fondateur ci-dessous qui porte sur la respiration consciente – prānāyāma, l’un des piliers du Yoga de l’IFY, inspiré de l’enseignement de T.K.V. Desikachar.
» « Elle accompagne les mouvements, rend vivantes les postures statiques et prépare un temps méditatif en posture assise à la fin d’une séance pratique du yoga ».
C’est ainsi que j’ai présenté le prānāyāma dans mon article « Hommage à T.K.V. Desikachar », paru à l’automne 2016 dans une revue régionale de l’IFY, suite à son décès le 8 août 2016. J’avais ciblé 8 aspects que je considérais comme des « piliers », des spécificités, de son enseignement. Mis à part T.K.V. Desikachar lui-même, personne ne détient cet enseignement.
Il m’avait dit que, jeune enseignant, il avait été invité par la (encore plus) jeune Union Européenne du Yoga pour présenter l’enseignement de son père T. Krishnamācharya. A cette occasion, guidant une séance collective de yoga, il avait demandé aux participants de lever leurs bras au-dessus de la tête à l’inspiration et d’abaisser leurs bras pendant l’expiration. Les pratiquants semblaient quelque peu déstabilisés par ces consignes…
À l’époque, les années soixante-dix, coordonner des mouvements avec la respiration n’était pas dans les mœurs ! Et pourtant c’était déjà une particularité de son enseignement dans lequel chaque mouvement était synchronisé avec une phase de la respiration. Cela conférait, dès le début d’une séance, un sentiment d’unité : corps-souffle-pensée.
T.K.V. Desikachar décomposait le terme prānāyāma en deux parties : prāna (énergie vitale) et āyāma (étiré, allongé). Démarrer par des postures dynamiques avec des respirations conscientes apportait ainsi une lenteur aux mouvements, encore une caractéristique de son enseignement.
Dès lors que nous tentons de respirer ainsi, notre souffle bascule d’une action inconsciente à une action consciente et, comme T.K.V. Desikachar l’exprimait dans son ouvrage Le Yoga, un éveil spirituel, « Qu’est-ce que le prānāyāma sinon ‘être avec le souffle’ … être attentif au souffle simplement en tant que témoin dynamique de la respiration. Si on est capable de cela, c’est quasiment une expérience de méditation ».
L’ingéniosité d’entrer dans le prānāyāma, dès la première posture, réside dans le fait que :
- Le nombre de respirations conscientes dans une heure de pratique avoisine les 150, avec tous les effets bénéfiques qui en découlent.
- La mobilisation de l’attention, avec son effet unificateur corps-souffle-pensée, est présent dès l’ouverture de la pratique.
- La sécurité est apportée au corps, protégé de nos excès et zèle éventuels, car il est beaucoup plus difficile de se faire mal lorsque les mouvements sont lents et sont accompagnés de respirations profondes.
- La préparation du prānāyāma en posture assise à la fin de la séance démarre à la première minute, permettant ainsi d’aborder ces techniques avec intensité, délicatesse et profondeur.
Parfois ces techniques de prānāyāma ne présentent pas le même intérêt que les postures pour le pratiquant. La plupart du temps, cela découle d’une approche trop « disciplinaire » de cet oiseau fragile qu’est notre souffle. Et, au lieu de vouloir le mettre en cage, il s’agirait de l’aborder comme les parents des oisillons encouragent leur progéniture à prendre l’envol depuis le bord du nid. Montrer à notre respiration qu’elle a des ailes pour pouvoir s’appuyer sur l’air. Qu’elle a une queue pour donner une direction. Que notre souffle possède une « intelligence » de sa mission, et qu’il ne s’agit pas de le contrarier.
Le contrôle conscient de la respiration devrait être davantage fondé sur une relation de confiance entre le pratiquant et son souffle que sur une soumission obligée.
T.K.V. Desikachar insistait beaucoup sur l’importance du ressenti de la respiration. Ainsi le contrôle du souffle constitue une ouverture vers d’autres dimensions : la spiritualité, la concentration et la clarté. »
Martyn NEAL, Formateur IFY – 2023.