La pratique personnelle et le cours individuel sont des spécificités du Yoga de l’IFY, inspiré de l’enseignement de T.K.V. Desikachar.
Laurence Maman, Formatrice IFY, nous donne sa vision dans le texte ci-dessous :
« Lorsqu’on partait en Inde pour étudier avec T.K.V. Desikachar, on avait a priori déjà installé une discipline de pratique quotidienne, ou en tout cas on était décidé à le faire immédiatement.
Entre lui et chaque élève, Il s’agissait d’une relation de personne à personne. Il était très différent lors de ses interactions avec chacun pris séparément, et lorsqu’il intervenait devant de grands groupes, ce qu’il appréciait moins, je pense.
Il nous recevait donc un par un, d’où la grande diversité de situations lors de nos rendez-vous. Il se rendait très disponible, et nous aussi : nous le voyions souvent quotidiennement en cours particulier. Un cours pouvait être consacré à nous donner une pratique personnalisée ; un autre pouvait être un échange sur tel point ou tel chapitre du yogasūtra, ou d’un autre texte ; cela pouvait aussi être l’occasion de faire ensemble des projets, ou encore des temps de confidences, car je pense que beaucoup de ses élèves lui faisaient des confidences… et assez curieusement, à travers ses paroles, ses silences et aussi les pratiques qu’il ajustait alors, il était fréquent que ce qui avait paru insurmontable revienne à une place plus modeste.
Pour nous proposer une pratique, il avait besoin – suivant ainsi de grands principes d’āyurveda – de se faire une idée aussi précise que possible de notre constitution, nos champs d’intérêt, notre âge, notre forme physique et psychique, notre temps disponible etc. et de nous observer en action. Ce qui lui permettait de nous proposer une pratique totalement personnalisée comportant postures, prāṇāyāma, chant, assise, pas toujours tous présents simultanément… L’idée n’était pas de changer de séance sans cesse mais au contraire de l’approfondir pendant des semaines voire des mois, après la première phase d’ajustements au cours de laquelle nous revenions la dérouler devant lui pour qu’il puisse introduire si besoin quelques modifications. Ensuite la balle était dans notre camp : cette discipline très régulière (tapas) est la base qui nous modifie jour après jour, au niveau du corps, du souffle, de la façon de penser…
Cette ambiance de relation individuelle déteignait sur ce qu’il pouvait proposer à des groupes. Chez lui en Inde, il s’agissait surtout de petits groupes réunis par un intérêt commun : approfondir ensemble une étude théorique, faire un travail très fin d’observation des pratiques des uns et des autres… Mais je pense que cette essence de son travail – prendre chacun et chaque situation différemment, dans sa singularité – se retrouvait dans la manière dont il a proposé de ne pas systématiser les pratiques, même données à des groupes, mais de donner à chacune un caractère différent tout en respectant les grands principes logiques de sa construction.
Cet esprit-là, même si nous donnons ici peu de cours individuels, nous pouvons le garder lors de nos cours de groupe. Chaque professeur pourrait rencontrer chaque élève séparément en début d’année pour faire un peu connaissance avec lui, puis l’observer au fil des semaines, et ainsi mieux le guider dans la pratique collective.
Surtout, ce centrage sur les cours particuliers ne nous amène-t-il pas à réfléchir à la place d’un yoga au « un par un » à notre époque, entre des professeurs qui y sont formés et des élèves qui prennent la responsabilité de leur pratique : pour un travail beaucoup plus suivi, plus puissant, ajusté à chacun, ouvert à la parole aussi bien qu’aux réalisations physiques ? »
Laurence MAMAN, Formatrice IFY – 2023