L’article ci-dessous est extrait de la revue « Pas à pas » éditée par l’association régionale IFY Poitou-Charentes et reproduit avec l’aimable autorisation de celle-ci.
« Il y a les changements que l’on souhaite, ceux que l’on redoute et ceux qui nous affectent. Le yoga propose des outils pour nous permettre de faire face et garder le cap.
Hier, avec les enfants, nous avions programmé un pique-nique. Que de joies en perspective ! Mais, ce matin au lever, le ciel est chargé de gros nuages, et déjà la pluie s’annonce. Déception générale… Et il va falloir s’accommoder de la situation, rebondir, imaginer autre chose…
Le changement, c’est naturel !
Le dictionnaire Quillet nous dit que le changement c’est passer d’un état à un autre, avec des nuances : il peut s’agir d’une transformation, d’une innovation, d’un bouleversement, d’une évolution.
Quant au Sāṃkhya Kārikā, ancien écrit de philosophie indienne, il précise que le changement est inhérent à la nature.
La matière (prakṛti) est dotée de trois aspects : luminosité et légèreté (sattva), action et mouvement (rajas), inertie et densité (tamas). C’est l’influence changeante de ces qualités qui donne à la vie son aspect cyclique.
Tout ce qui nous entoure est soumis aux cycles naturels depuis la naissance, jusqu’à l’épanouissement et la mort. C’est le bébé devenu adulte, le gland devenu chêne, le ruisselet devenu fleuve. Chaque cycle de chaque phénomène naturel possède son propre rythme. Ainsi la longévité d’une mouche est moindre que celle d’un hanneton. De-venir entre ‘de’ et ‘venir’, il y a toutes les étapes d’une transformation, d’une mutation minutieuse, implacable.
Alors le changement : souffrance ou joie ?
La vie est faite de changements : il y a ceux que l’on souhaite et d’autres que l’on redoute. Certains nous sont imposés. On veut parfois précipiter les choses ou bien les ralentir et ce que l’on programme met quelque fois du temps à se réaliser. Il nous arrive même parfois de nier le changement. Par exemple quand je refuse de voir que la saison a changé et que je porte encore, en début d’automne, les robes légères de l’été…
Les changements peuvent aussi être source de joies, celles du renouveau, de la découverte, au moment des vacances, par exemple. Souvent, ils apportent également de la souffrance, comme la disparition subite d’un être cher, une séparation, la perte d’un emploi. Tout à coup, nos repères ne sont plus là.
Si tout est si naturel, évident, incontournable, nous avons du mal à accepter ce qui est, nous restons accrochés au passé qui n’est plus ou bien nous nous projetons dans un avenir incertain. Notre difficulté est liée au manque de compréhension (avidyā) de ce qui est. Vivre dans le présent nous est difficile.
Parfois, nous sommes tellement partagés entre la peur que tout reste pareil et la peur que tout change, que nous pouvons alors aller jusqu’à nous installer dans la routine, par peur de l’inconnu. Et cela rappelle une vieille chanson de Mannick (Marie-Annick Rétif) :
« Je connais des bateaux qui restent dans le port
De peur que les courants les emportent trop fort… »
l est vrai que certaines nouvelles situations sont parfois difficiles à accepter, il faut du temps, temps de processus d’acceptation.
Frans Moors commente ainsi le sūtra II. 23 (sva-svāmi-śaktyoḥ sva-rūpa-upalabdhi-hetuḥ-saṃyogaḥ) : « L’expérience humaine
est faite de joie et de souffrance, cette dernière pousse l’homme à la recherche d’une solution […] Nous ne prenons souvent de vraies mesures que lorsque la situation devient insupportable. Ainsi la douleur n’est pas vaine si elle sert de révélateur et de catalyseur pour nous mettre en route. » On devrait remercier prakṛti !
Ce qui peut nous aider à faire face
Le yoga est un outil très précieux pour ceux qui s’y intéressent. Et la voie du yoga, c’est la voie du changement et du discernement, c’est-à-dire la capacité à prendre conscience de toutes les facettes de la réalité.
Dans le sūtra II. 15 (pariṇāma-tāpa-saṃskāra-duḥkhaiḥ-guṇa-vṛtti-virodhāt-ca duḥkham-eva sarvaṃ vivekinaḥ), il est recommandé d’être vigilant car un potentiel de souffrance est présent en toute chose.
Les huit membres du yoga que Patañjali nous invite à pratiquer avec persévérance et détachement sont là pour nous aider. En effet, prêter attention à nos relations aux autres, à nous-même, à notre corps, à notre souffle, à notre mental, c’est déjà un entraînement pour un élargissement de la conscience, pour mieux voir ce qui est, la réalité dans sa globalité.
Ainsi, sur notre tapis, nous sommes à l’écoute de notre corps, les zones détendues ou étirées celles qui nécessitent d’être contractées dans telle ou telle posture, nos appuis, l’avant, l’arrière, le haut, le bas… Encore une occasion de se retrouver, d’être là, au présent.
« Quelque chose est tenté qui n’était pas là auparavant, qui mobilise l’organisme, et le transforme en un espace d’expérimentation et de vérification. » Lina Franco
Le sūtra I. 12 abhyāsa-vairāgyā-bhyāṃ tan-nirodhāḥ nous conseille de prendre davantage de recul (vairāgyā) et de rester en relation (abhyāsa) malgré les difficultés. Ainsi peu à peu vient l’apaisement. Face aux changements permanents de la vie, mieux vaut aller doucement, tranquillement, avec confiance mais aussi avec persévérance.
Comme le marin : tenir la barre, garder le cap
Parce que nous voilà face à un curieux paradoxe : « Quand je m’accepte, avec ma part d’ombre, avec ma souffrance quand elle est là, alors quelque chose peut changer. » Carl Rogers
S’accepter
S’accepter c’est être positif, ne pas dire « pourquoi ? » mais « dans quel but ? ». Ce n’est pas faire attention, mais être attentif.
Le sūtra II. 25 tad-abhāvāt-saṃyoga-abhāvaḥ hānaṃ tad-dṛśeḥ kaivalyam insiste sur cette nécessité de clairvoyance, d’acceptation. Avoir une vision claire, se laisser surprendre par ce qui est, toujours différent, encore nouveau. Être étonné comme un enfant. « Et le yogin actif chemine non sans difficultés vers son émancipation. » Lina Franco
Quant à J. Krishnamurti, il nous exhorte même à renaître chaque jour, débarrassés de toutes nos habitudes car conscients, libérés de tous nos conditionnements. »
Valérie BALLET, Michèle MILLASSEAU et Monique VERBOIS, professeurs IFY – 2017

