Confiance, se confronter à la vie

L’article ci-dessous est extrait de la revue « Pas à pas » éditée par l’association régionale IFY Poitou-Charentes et reproduit avec l’aimable autorisation de celle-ci.

« La confiance, c’est savoir au-delà de la simple conscience que si l’on fait un pas de plus, il y aura bien un sol sous nos pieds. Que l’instant qui suit ne sera pas le bord d’un précipice. »

Cette citation comporte en elle tout ce que peut nous faire ressentir le sentiment de confiance, que ce soit la confiance en soi ou la confiance en l’altérité.

Sécurité

« Savoir au-delà de la simple conscience« , veut dire que le sentiment de confiance une fois établi ne se manifeste pas à la conscience de façon délibérée chaque fois que nous sommes en relation avec autrui ou que nous devons nous appuyer sur nos propres ressources pour agir. Il agit en nous sans que nous ayons à le convoquer.
« Si l’on fait un pas de plus, il y aura bien un sol sous nos pieds. Que l’instant qui suit ne sera pas le bord d’un précipice« , indique que ce sentiment au lieu de nous immobiliser, nous invite à avancer parce que nous nous sentons dans une sécurité suffisante. De façon symbolique, parce que l’espace relationnel dans lequel nous évoluons est un terrain ferme qui peut nous soutenir.

Être en relation

Le véritable sentiment de confiance ne peut s’éprouver que si l’on se donne totalement à la relation, en abandonnant ses propres peurs, en s’ouvrant au monde et en ayant baissé les défenses qui ne sont pas nécessaires.
La confiance est toujours liée à un certain degré d’incertitude car nous ne sommes jamais totalement sûrs que l’autre agira comme nous attendons qu’il agisse. Ici, un autre ressort que le savoir est à l’œuvre, le sentiment que l’autre ne cherchera jamais à nous nuire ou à nous humilier.

La confiance en soi est directement liée à la confiance que les autres ont pu nous accorder, elle ne se construit pas dans l’isolement mais dans la relation. C’est le regard de l’autre qui influencera le regard que je porte sur moi. Un regard encourageant et bienveillant viendra fortifier la confiance en moi. Cette construction s’élabore dès la plus jeune enfance, dans le cercle familial et se poursuit tout au long de la vie en société. Ce sentiment de confiance émane d’un autre sentiment, l’estime de soi. Une estime de soi suffisante, qui n’est ni une surévaluation ni une dévaluation de l’image que l’on a de soi-même. Confiance en soi et estime de soi sont ainsi intimement liées et sont un support précieux pour assumer notre juste place dans la vie.

La confiance, un cercle vertueux

Pour le yoga, éprouver ce sentiment de confiance (ou de foi) est l’une des conditions les plus importantes pour que la démarche puisse s’accomplir. Confiance dans la Vie, dans la relation, dans la démarche qui nous oriente mais aussi dans nos propres ressources.
Dans le Yoga Sūtra, Patañjali nous dit que les états les plus avancés du yoga ne peuvent s’expérimenter que s’ils sont soutenus par la confiance {foi). Sūtra 1.14 et 1.20.


Les enseignements, pour peu que l’on puisse se les approprier, contribuent à développer le sentiment de confiance dans la démarche mais c’est avant tout la relation avec l’enseignant (respect mutuel, bienveillance mais aussi rigueur et authenticité) et la façon dont nous vivons notre pratique qui pourront nous conforter dans ce sentiment. Si notre pratique en lien direct avec la vie nous oriente vers plus de stabilité et de liberté, alors, comme un cercle vertueux, le sentiment de confiance pourra s’ancrer en nous.

Respect de soi-même et du monde

Un autre point de vue sur la spiritualité indienne, évoqué dans la  » Taittirïya Upaniṣad ¹ » et notamment dans la présentation de  » Vzïnanamaya ² » met en évidence la relation qui existe entre le sentiment de confiance (śraddhā) comme élément qui dirige nos actions et notre inscription personnelle dans le monde (svadharma). Le Dharma, au sens général, c’est le Bien, c’est-à-dire tout comportement respectant l’ordre du monde aussi bien dans le microcosme que dans le macrocosme. Toute action venant entraver cet ordre crée du malheur dans le monde. Le Svadharma, c’est la façon pour chaque être humain avec sa singularité, de s’inscrire et de respecter cet ordre. Dans cette perspective, chacun d’entre nous avec son histoire, sa culture, sa personnalité, en respectant ses valeurs et ses besoins, aura une façon personnelle d’agir dans le monde, pour le bien du monde. Respecter son Svadharma, c’est ne pas vouloir imiter autrui, usurper sa place même si cette place nous paraît plus enviable que la nôtre. Être dans cette posture assumée de respect de soi-même et du monde, s’engager dans l’action et faire face à ses responsabilités, nourrira la confiance en nous et dans la relation.

Prendre le risque

Développer le sentiment de confiance en soi et dans les autres nous demande de« prendre le risque d’agir », de nous confronter à la vie et au monde qui nous entoure. Seule l’action pourra nous apprendre quelque chose sur nous-­même. Sortir des représentations et projections qui nous immobilisent pour prendre la vie à « bras le corps».


Si je pense que le monde est dangereux et que je ne suis pas en mesure de l’affronter, je resterai enchaîné à mes peurs, protégé par un système de défense illusoire qui me tiendra éloigné de la substance même de la vie.

¹ Pour représenter l’être humain dans sa complexité, la Taittirïya Upaniṣad décrit cinq oiseaux en vol, représentant cinq « corps », cinq niveaux en interaction.
² Vzïnanamaya est le corps de personnalité profonde guidé dans son vol par la confiance.

André MESQUIDA, Formateur IFY – 2019