Bhāvanā, l’orientation de l’attention est l’une des spécificités du Yoga de l’IFY, inspiré de l’enseignement de T.K.V. Desikachar.
Malek DAOUK, Formateur IFY, nous donnent ci-dessous sa vision de cette spécificité :
« Si le terme sanscrit bhāvanā, qui signifie création mentale, conception, imagination, vision, production, s’applique à toutes sortes de domaines, il est abondamment usité par les élèves et les enseignants de notre tradition, celle de l’I.F.Y., au point d’en être devenu un terme de jargon courant dans notre lignée.
Mais que signifie vraiment le mot bhāvanā dans notre transmission ? Chacun sur le tapis de pratique s’interroge : où mettre l’attention ? Porter l’attention sur un endroit du corps, comme la colonne vertébrale, les ischions, le sommet du crâne, la pointe du nez ou de la langue, les narines ou la bouche, forme la première approche concrète du placement de l’attention. Un lieu d’attention dit grossier : sthula deśa. Lorsque l’attention se porte sur la qualité de la respiration, ou un point plus fin, par exemple à la frontière du corps, comme la sensation du toucher des vêtements sur la peau, ou sur la verticalité du dos, ou encore sur les pensées qui traversent l’esprit, le lieu d’attention est dit subtil : sūkṣma deśa.
Bien évidemment lorsque les aléas de la vie nous préoccupent et même nous perturbent, par exemple en cas de simple fatigue, de lassitude, de coup dur ou même de drame, nous recherchons à recouvrer notre équilibre. Mais quels procédés appliquons-nous ? Sont-ils adéquats ? L’orientation de l’attention en est l’un d’eux, peut-être même un majeur. Il répond aux questions : comment gagner de l’aplomb ? Comment atteindre une quiétude qui régénère ? Une aisance dans la ténacité ou une détente sans indolence ? Le jeu des compensations physiques et psychiques est bien sûr présent. Il ne cesse de s’actualiser, dans le corps comme dans le psychisme, on pourrait se référer à l’homéostasie. Il est constant et nous pouvons l’observer et contribuer à le réguler, soit vers l’amplification ou l’atténuation. Lors même que le développement actuel de l’instantanéité par tous les moyens contemporains de communication nous fait bien souvent gagner du temps, il peut ajouter beaucoup de tension, occasionnelle ou continue, et déployer de nombreux facteurs de distraction.
L’instabilité du psychisme que l’on peut vivre à certains moments, quelles qu’en soient les causes, peut être jugulée grâce à une focalisation plus intense que celle de la source de la distraction. Pour cela, et afin d’être rasséréné par un pouvoir évocateur (un bhāvanātva) quelle qu’en soit la teneur, il est nécessaire de s’exercer à l’appliquer, au quotidien. Comment développer une aptitude évocatrice ? Au moyen d’une photo ou d’un film, à l’écoute d’une musique, ou d’un refrain de musique ? Ou plus traditionnellement par la récitation ? Celle-ci s’effectue classiquement en trois modes, à voix haute (ucca) du bout des lèvres, murmurée ou chuchotée (upāṃśu) ou encore intérieurement (manasi). Elle confère souvent une focalisation dédiée de l’esprit. A l’aune de celle-ci, la visualisation et la méditation sont proposées pour vaincre les incessants tournoiements de l’esprit, afin de grandir en conscience et en silence. »
[1] Cf. Patañjala yoga-sūtra, III-1
Malek DAOUK, Formateur IFY – 2023