Pratyāhāra, est-ce le retrait des sens ?

Le 5 août dernier, le Dr Natesan Chandrasekaran est venu dans les Alpes-Maritimes et a animé une table ronde sur pratyāhāra, le 5e membre de l’aṣtaṅga yoga de Patañjali.

La parole est donnée aux participant.es

« À Saint Martin Vésubie, ce 5 août 2023, confortablement installée sur le canapé de ma convalescence, j’ai pu profiter en visio-conférence d’un après-midi yoga. Le Dr N.C., médecin généraliste, professeur de yoga, yogathérapeute, donnait une conférence sur pratyāhāra : la maîtrise des sens, 5e membre de l’aṣtaṅga yoga.
À cette occasion, j’ai pu m’exercer, à distance, sur la maîtrise d’un de nos sens, l’ouïe : l’attention, l’écoute, le partage de nos interrogations sur ce sujet complexe de philosophie du yoga. Merci à l’IFY, au Dr N.C. et surtout à Martine Fritte d’avoir organisé en direct et à distance ce moment incroyable de yoga. » (Sylvie)

« Le sujet en lui-même était intéressant car difficile à appréhender de prime abord. Nous avons aimé les éclairages apportés par le docteur et les discussions qui ont suivi car cela nous a permis d’affuter notre réflexion sur le sujet, et aussi de comparer les approches de deux cultures différentes. L’ambiance était très ouverte et nous avons pu exposer nos points de vue et nos ressentis en ayant le retour direct du docteur. » (Valérie)

« J’ai eu la chance de pouvoir participer à cette soirée conférence avec le Dr Chandrasekaran, et donc de le rencontrer en personne. Sa conférence a apporté des éclaircissements sur l’importance et la manière de pratiquer pratyāhāra, la 5e des huit disciplines traditionnelles de la pratique yogique.
La conférence a été suivie d’une pratique méditative en guise d’exemple, et d’une séance de questions-réponses. La soirée s’est ensuite terminée par un repas partagé dans le jardin sous les arbres, autour d’une immense table où chacun avait amené sa contribution culinaire. Un moment de convivialité rare et particulièrement agréable ! » (Claire)

« Comme le Dr N.C. vient de publier un livre (en anglais) sur le pratyāhāra, c’est tout naturellement qu’il a été décidé d’explorer cette dimension du yoga avec les élèves et enseignants de notre association. Lors d’une séance avec une courte présentation suivie de questions-réponses, nous avons appris que la traduction habituelle du terme sanskrit par « le retrait des sens » est erronée.
Pratyāhāra fait l’articulation entre les membres du yoga orientés sur le physique et le monde matériel (yama, niyama, āsana, prāṇāyamā) et les aspects qui touchent à l’intérieur (dhāraṇā, dhyāna, samādhi) ; il résiste à une définition ou une explication simple. La démarche pédagogique du docteur repose en grande partie sur le dialogue avec les élèves avec pour objectif de perturber les idées reçues et d’ouvrir à de nouvelles perspectives ; une petite séance de chant pour clore le travail a servi d’exemple pratique pour ancrer les acquis. » (Shona)

« Une fois encore, nous avons eu l’opportunité de recevoir un enseignement directement du Dr N.C., cette fois-ci sur pratyāhāra. Il nous explique que ce n’est pas le retrait des sens mais la maîtrise des sens et l’importance de cette maîtrise. Tout comme la maîtrise du corps et du souffle à travers les pratiques d’āsana et prāṇāyamā, les cinq sens doivent être maîtrisés par la pratique de pratyāhāra. Et c’est seulement quand nous avons maîtrisé les cinq sens que l’on peut véritablement atteindre le mental clairement. Sinon, on ne voit que la manifestation du mental.
Il explique que nous nourrissons notre corps avec nos cinq sens (la vue, l’odorat, le goût, l’ouïe et le toucher), toute notre vie, nous nous nourrissons de ce qui est à l’extérieur de nous. Or pratyāhāra dit que nous devons nous nourrir de l’intérieur. Il continue en nous expliquant que ce qui vient de l’extérieur (le succès, la fortune, etc.) nourrit l’ego mais cela ne nous rendra pas heureux. Or l’être humain cherche toujours (bliss, la béatitude).
Pour atteindre cette béatitude, nous devons nous nourrir de l’intérieur, sinon nous sommes toujours guidés et influencés par ces cinq sens. Il nous donne un exemple très simple : si nous allons au supermarché avec notre carte bancaire et que nous n’avions besoin que d’un stylo et du papier, avec quoi sortons-nous du supermarché ? Avec plein de choses en général, et peut-être même que nous avons oublié le papier et le stylo ! C’est seulement quand nous maîtrisons pratyāhāra que nous pouvons gérer le citta, le mental. Si nous ne maîtrisons pas nos cinq sens, nous sommes comme un bateau sans ancrage (sans gouvernail), le bateau n’ira jamais à destination. » (Pascale)

Quelques réflexions méditatives sur pratyāhāra

(Martine fritte, d’après les enseignements du Dr. NC)

Le mot pratyāhāra est une combinaison de prati et āhāra : prati signifie « opposé » et āhāra signifie « nourriture ».

De quel genre de nourriture parle-t-on ?

Comment et en quoi cette « nourriture » pourrait-elle être délétère ?

Le mot opposé incite-t-il à une mise en garde ?

Quelle est la part de kama dans ce processus ?

Pourquoi la traduction usuelle de pratyāhāra par « retrait des sens » peut-elle être controversée ?

Comment interpréter les formules « retrait des sens », « maîtrise des sens » ?

Quel est le but de Pratyāhāra ? Comment le mettre en œuvre ?

Si les sens sont bien dirigés quoique actifs… est-ce toujours pratyāhāra ?