Le kriyā yoga : agir, réfléchir, accepter

Le kriyā yoga est souvent assimilé à une série de disciplines favorisant la purification. La Haṭhayogapradīpikā (Chapitre 2, verset 24 à 35) énumère six techniques de purification : dhauti – nettoyage de l’estomac, basti – nettoyage du colon, neti – nettoyage nez, trāṭaka – nettoyage des yeux, nauli – brassage du ventre, kaphālabhāti – nettoyage du crâne. D’autres voies de yoga, comme les kriyā-s de l’Himalaya ou la Kuṇḍalinī yoga utilisent des techniques de purification comme voies de réalisation. Le kriyā yoga, selon Patañjali, est un tout autre concept défini dans le premier sūtra du deuxième chapitre, celui du yoga de l’action et des trois verbes qui en découlent :

« tapaḥ svādhyāya īśvarapranidhānāni kriyā yogaḥ »

Phase 1 : Agir

Tout d’abord, la phase de tapas, avec l’idée de chaleur, d’effort, de faire brûler quelque chose pour en retirer les impuretés. C’est un processus d’élimination induit par l’action et cette discipline aboutira tôt ou tard à une purification pour laisser paraitre plus de pureté. Cette purification concerne plusieurs niveaux : physique, énergétique, mental, émotionnel et spirituel.
Ainsi, pour les adeptes du yoga, tapas prendra la forme d’une pratique d’āsana-s plus ou moins intensive, de chant védique, de méditation. Pour un adolescent, le fait de faire son lit tous les matins contribuera à sa motivation plus tard (cf. Amiral McRaven) et d’avoir une action sur son mental. A un autre niveau d’engagement, pratiquer un jeûne d’une semaine permettra à l’organisme de se détoxifier en profondeur et pas seulement à un niveau cellulaire ; l’impact d’une telle action sera ressenti sur le long terme à des niveaux plus subtils. De manière plus abordable, faire l’effort de boire un verre d’eau chaude chaque matin au réveil est aussi une pratique de tapas.
Tapas est un style de vie qui nous fait évoluer au quotidien grâce à des démarches entreprises pour éliminer les obstacles nous empêchant de vivre selon notre véritable nature. Tapas sert à révéler la pierre précieuse que nous sommes. A de nous de trouver la façon de la polir !

Phase 2 : Réfléchir

Ensuite la phase de svādhyāya : l’étude de soi comprenant toute démarche qui mène à la découverte de soi. Dans un contexte yoguique, la lecture et/ou l’étude de textes sacrés permet de poser un autre regard sur la vie et donc sur soi à condition de faire des liens avec notre propre expérience. Cela requiert de s’interroger, de se remettre en cause.
Dans un contexte contemporain, par exemple, la lecture d’auteurs inspirants dans différents domaines peut aussi conduire à svādhyāya. De même, un dessin d’enfant peut en dire long sur une situation et faire réfléchir. A chaque fois que nous sommes touchés et osons regarder, analyser et réfléchir, c’est svādhyāya. C’est faire une mise au point de là où nous en sommes pour aller à la rencontre de soi.
Tapas et svādhyāya forment un cercle vertueux ; en se mettant en action (pour rappel, une non-action est aussi une action) des effets se produisent et de là nous pouvons réfléchir et avancer pas à pas vers ce qui nous tient à cœur. Svādhyāya sert à aiguiser l’outil pour polir notre pierre précieuse.

Phase 3 : Accepter

Enfin la phase d’Īśvarapranidhānāni, l’idée d’être au service du divin, de s’en remettre à plus grand que soi ou bien de s’en remettre aux mains de Dieu pour les croyants, par exemple. Avoir l’humilité de s’abandonner et de se défaire du résultat de nos actions quel que soit le degré du tapas entrepris. Faire de nos actions une offrande !
A la lumière d’un des accords toltèques (1) : « faire de son mieux ». Mettre en place des actions – du mieux que nous pouvons – grâce au cercle vertueux de tapas et de svādhyāya et rester dans l’accueil de ce qui se produit, car il s’agit de notre propre création.
Accepter le fruit même s’il n’a pas le goût souhaité, même si ce n’est pas le fruit espéré. Poursuivre ses actions, les ajuster encore et encore. Accepter ne signifie pas subir, supporter, prendre sur soi et faire bonne figure. Accepter, c’est embrasser, faire un avec ce qui est, c’est dire oui à la vie, oui à ce qui est, puisque de fait, « c’est ». Et prenant en compte ce qui est, adapter tapas et svādhyāya. Faire confiance et lâcher prise comme dans la posture de śavasāna, se laisser porter et laisser faire.  
Īśvarapranidhānāni sert à se mettre en relation avec le réel et ainsi aimer la pierre précieuse que nous sommes et lui faire confiance.
La pratique du kriyāyoga et ses trois composantes – agir, réfléchir, accepter – permet de développer une attitude pour laisser la lumière jaillir de soi et ainsi mieux traverser les zones d’ombres lorsqu’elles se présentent à nous.

Pour illustrer cet article, Otilia Moreira propose une pratique que nous vous laissons découvrir (fichier PDF ici).

(1) « Les Quatre Accords toltèques », Miguel Ruiz, Ed. Jouvence.

Auteur : par Otilia Moreira, professeure IFY