Le changement est inhérent à notre condition humaine car la vie n’est qu’impermanence1. Dès lors, nous avons le choix : soit résister, se trouver bousculé par les évènements et nourrir dukkha, la souffrance, soit épouser le changement, l’accueillir de manière active. C’est le chemin que propose le yoga.
Un chemin, plusieurs voies
Selon d’anciens écrits védiques, le yoga offre quatre grandes voies « mârga » pour atteindre la libération, la purification de l’âme.
Karma Yoga : Le yoga de l’action désintéressée.
Bâkhti Yoga : Le yoga de la dévotion.
Jnâna Yoga : Le yoga de la connaissance.
Râja Yoga : Le yoga « royal ».
Ces voies peuvent être empruntées seules ou simultanément. En cette rentrée, nous nous intéresserons plus particulièrement au Karma yoga dit yoga de l’action désintéressée.

Etymologie et sens2
L’étymologie du mot « agir » remonte au latin agere, au grec ancien agein et au sanscrit aj (mouvoir). Son sens latin exprime l’idée de « pousser devant soi », « mener », ou « faire (dans un exercice continu) ». La racine indoeuropéenne associée est AG– qui signifie « conduire », « tirer », ou « mouvoir ».
Il est intéressant de voir que ce prédicat contient en ses racines le germe du mouvement. Il s’agit de provoquer une action, d’opérer, d’exercer une influence sur le cours des choses ; d’être acteur de sa vie.
Qu’est-ce qu’agir ?
Qu’est-ce qu’agir et pourquoi agir ?
Parce que tout est action. Venir au monde nous engage dans l’action ; respirer est déjà agir, écrire son svadharma, son dharma personnel. La Bhagavad Gita3rappelle que « tout est inévitablement contraint à l’action par les forces issues de la matière » (II-5).
Ainsi nous agissons car l’action s’impose à nous : « vous devez accomplir les devoirs védiques qui vous sont prescrits, car l’action est supérieure à l’inaction. En cessant toute activité, même votre entretien corporel ne sera plus possible4 ».
De même, Patanjali5 prône l’action pour calmer le mental instable ; une démarche faite d’efforts comme le souligne le YSII-1 via les trois piliers du Kriya-yoga, ce yoga de l’action par l’action. « Tapas », le 1er pilier traduit par « chauffer, s’engager » souligne qu’il faut se mettre en marche et que cela relève de l’effort, de la discipline. Agir, c’est faire ; c’est éviter que les souffrances s’installent (YSII-16) car « pour celui qui discerne, tout est souffrance » (YSII-15). Agir pour ne pas être saisi, sidéré.
Par notre action, la conscience s’aiguise et « comme le paysan rompt la digue qui empêche l’eau de s’écouler sur ses terres, l’élimination des obstacles est à l’origine de toute transformation » (YSIV-3). La transformation a lieu au rythme de chacun, au bon moment ; elle ne peut se forcer. Pour cela, il faut se détacher des fruits de l’action ; c’est la voie offerte par le Karma yoga.
Karma yoga
Cette voie de l’action désintéressée englobe les actes, les pensées, les propos. Généralement, nos actions sont motivées par un objectif, un but et un résultat. Mais que se passe-t-il si ces attentes ne sont pas satisfaites ? Remettons nous en cause l’action, nous-mêmes, autrui ?
Ces projections empêchent toute progression vers la transformation et la libération, d’autant que le fruit, le résultat de ces actes ne nous appartiennent pas. Ils se manifesteront et s’offriront à nous lorsqu’il sera temps.
Qu’est-ce qu’une action désintéressée ? Prendre soin des autres par des activités simples, bénévoles ; être à l’écoute : l’action ne doit pas être une ambition nourrie par l’ego.
Ne pas attendre de récompense, d’appréciation, de résultats car comme aime à le rappeler Patanjali, cette sobriété procure un sentiment de sécurité, de liberté (YS II-39). C’est également le message de la Bhagavad-Gita : « tu as droit à l’action, mais seulement à l’action et jamais à ses fruits ; que les fruits de ton action ne soient point ton mobile » (BG II-47).
Ainsi désencombré, le yogi pourra poser des actes, des pensées, des paroles justes, dans un esprit de non attachement (YS II-36). L’acte n’est plus motivé par l’envie, le désir, la colère ou la peur. Une attitude nouvelle en résulte ; le yogi unifié se satisfait de ce qui est. Il est capable de discerner les moments où l’action se doit d’être et ceux où il faut s’abstenir.
Agir de façon impartiale, équanime avec effacement de l’ego : l’action est un don.

Le yoga comme voie de transformation profonde conduit à une meilleure connaissance de soi. Il nous change ; souvent à notre insu. Par la pratique des postures, de techniques respiratoires, de la méditation, nous prenons conscience de nos pensées, de nos comportements, de nos schémas mentaux et pouvons les observer en témoin éclairé (viveka), les comprendre puis les modifier en agissant avec détachement vis-à-vis des résultats. Le Karma yoga libère le yogi : faire, savoir-faire et laisser faire.
« La plus petite des actions vaudra toujours mieux que la plus grande des intentions » Gandhi
Hélène P.
1.Cf article IFY Sud – « Rien n’est permanent sauf le changement. » Héraclite
2.Dictionnaire langue française & académie française.
3.Bhagavad Gita, The Song of God – Swami Mukundananda (holy-bhagavad-gita.org)
4. Ibid
5.YS Patanjali trad. F.Moors & B.Bouanchaud