Tous les chemins mènent au yoga

Tous les chemins mènent au yoga…

« J’ai envie de découvrir le yoga… » Cette phrase, tous les pratiquants de yoga l’ont prononcée un jour, mais quelle force les a poussés à se tourner vers cette pratique ancestrale ?

Toutes les raisons sont bonnes de choisir le yoga et l’on y trouve souvent bien plus que ce que l’on était venu chercher…

Cependant, même s’ils l’ignorent parfois, beaucoup de yogi ont emprunté la sâdhana, la voie du yoga, sous l’impulsion de duhkha, la souffrance inhérente à la condition humaine.

Cette force négative peut alors devenir une force positive, moteur d’un profond changement qui conduit le pratiquant vers un apaisement du corps et du psychisme.

Comme le dit T.K.V. Desikachar :

« Nous nous mettons en recherche, poussés, non pas par ce que nous désirons, mais par ce dont nous ne voulons pas : la souffrance. »

Pourquoi choisissons-nous le yoga ?

Dans notre société occidentale actuelle, c’est le yoga en tant qu’« activité corporelle » qui est mis en avant.

Les médias et les réseaux sociaux nous abreuvent de photographies où de beaux yogi ou yogini posent dans des postures complexes au milieu de paysages enchanteurs.

De quoi donner envie à chacun de pratiquer pour obtenir un corps souple et parfait !

Ce n’est pourtant pas la finalité du yoga, mais ce n’est en aucun cas une mauvaise raison de le pratiquer, à la condition que cette porte d’entrée essentiellement corporelle ouvre sur une autre dimension du yoga, à l’opposé d’un idéal de perfection et de renforcement de l’ego.

Quoi qu’il en soit, c’est par les âsana, les postures, que la plupart des pratiquants commencent l’aventure. Ils ont le désir de se réconcilier avec leur corps qu’ils rejettent ou délaissent, ont des douleurs corporelles qu’ils ne parviennent pas à soulager ou souhaitent apporter du bien-être à leur corps avec une pratique douce.

C’est aussi souvent la dimension énergétique du yoga qui attire les futurs pratiquants : le travail sur l’approfondissement du souffle, le prânâyâma, apparaît comme une façon de calmer à la fois le corps et le psychisme mis à mal par le stress et l’hyperactivité de l’Homme moderne.

D’autres entreront sur la voie car ils sont en quête de sens ou à la recherche d’une forme de spiritualité. C’est alors vers la méditation selon Patanjali qu’ils se tourneront: le samyama, la triade formée par dhâranâ, la concentration, dhyâna, la méditation, et samâdhi, le fait d’être posé dans la continuité avec harmonie, l’union totale avec l’objet de concentration.

Peu importe ce qui nous pousse à suivre la voie du yoga car au cours du chemin, nous pouvons découvrir tous les aspects de la pratique, à notre rythme et selon nos envies et nos possibilités.

Cependant, une fois en route, nous réalisons souvent que derrière la raison qui nous a poussés vers le yoga se cachait duhkah, la souffrance.

De la souffrance à la délivrance

La souffrance, duhkah, est une notion fondamentale dans les Yoga Sûtra de Patanjali.

Ce mot apparaît dans huit sûtra et selon Frans Moors, « le but du yoga est d’échapper à la souffrance, en s’en libérant, mais aussi en évitant d’en créer de nouvelles ».

Tout yogi devrait se demander ce qui l’a poussé vers le yoga et en quoi cela était une manifestation de la souffrance. L’étymologie du mot duhkha est très intéressante : la racine duh est un préfixe indiquant quelque chose de mauvais, de difficile et la racine kha signifie « espace vide et intérieur ».

La souffrance est au plus profond de nous et laisse en nous un sentiment de mauvais espace intérieur, tant au niveau du corps que du mental. L’étymologie du mot français est aussi riche d’enseignement sur ce qui caractérise la souffrance.

Le mot a pour origine le verbe latin « suffere », qui signifie « porter par dessous, supporter », de là l’idée de poids qui accompagne toute souffrance qui pèse, accable, met à terre. Selon Patanjali dans les sûtra II, 15 et 16, il existe un « potentiel de souffrance présent en toute chose », cependant, « la souffrance non encore venue doit être évitée ». Bernard Bouanchaud, dans son commentaire du sûtra II, 16 le dit très bien : « La souffrance peut alors présenter cet aspect positif d’amener à réfléchir sur ses causes et à modifier son comportement en conséquence. Elle devient facteur de progression. »

Le yoga nous incite à regarder notre souffrance en face, à accepter les mauvais conditionnements liés à notre passé, les samskâra, et à transformer confusion et mal-être en clarté et paix. Le sûtra I, 31 associe la notion de duhkah à d’autres symptômes de l’agitation du psychisme, citta.

Ces symptômes sont le mauvais moral, le pessimisme associé à un état anxieux ou dépressif, daurmanasya ; l’instabilité corporelle, l’agitation ou les crispations, angamejayatva ; et la respiration problématique, svâsaprasvâsa.

Nous retrouvons dans ce sûtra les raisons qui nous poussent à prendre le chemin du yoga.

Ainsi, accepter sa souffrance, c’est simplement accepter notre condition d’être humain et se donner les moyens, grâce au yoga, de la transfigurer en force de délivrance.

Sophie B.