ÂYURVEDA – La médecine pour une longue et belle vie!

Les élèves en formation auprès de Sandra Ermeneux et certains professeurs d’IFYSUD ont eu la chance d’assister au stage « Yoga et âyurveda » qui a eu lieu du 8 au 12 juillet à Simiane la Rotonde (04). Ce stage était animé par Sandra Ermeneux, formatrice IFY et Malek Daouk, formateur IFY et médecin ayurvédique. Les participants sont partis à la découverte de la singularité de leur prakriti, leur nature, leur tempérament. L’enseignement à deux voix de Malek et de Sandra a merveilleusement tissé le lien entre l’âyurveda et les Yoga Sûtra de Patanjali. Les trois pratiques quotidiennes ponctuaient l’écoute et l’étude dans un souffle et un chant communs. Une parenthèse de bien-être et de joie en communion avec la nature. Nous souhaitons vous faire partager les principaux enseignements de ce stage sur la médecine ayurvédique et vous préciser les liens de cette médecine avec le yoga et notamment les Yoga Sûtra de Patanjali.

Qu’est-ce que l’âyurveda?
Le mot âyurveda est formé de deux racines sanskrites: âyu, la vie, la longévité et veda, la connaissance, la science. L’âyurveda est une médecine plurimillénaire qui est née en Inde. Son but est d’assurer à l’Homme une belle et longue vie, en pleine santé. Ce qui est aussi, entre autres, l’un des buts du yoga. L’organisation mondiale de la santé (OMS) définit ainsi la santé: «La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité». Cela correspond bien à la vision de la santé de l’âyurveda et du yoga. Alors que ce dernier n’est ni une médecine, ni une thérapie, l’âyurveda est une médecine à part entière dont nous allons découvrir le fonctionnement. Cependant, le médecin ayurvédique pourra proposer des pratiques de yoga pour en obtenir certains effets thérapeutiques.

La médecine des tempéraments et des éléments
Le maître mot de l’âyurveda est l’EQUILIBRE. Que faut-il équilibrer en nous ? Il s’agit des trois dosha
(tridosha) que chaque individu a en lui dans des proportions variables et le plus souvent déséquilibrées. C’est cela qui va déterminer notre constitution, notre tempérament à la naissance : notre prakriti qui est constituée de notre corps physique mais aussi de notre mental, citta. Les trois dosha sont les suivants :

Il apparaît ainsi que l’être humain est semblable au reste de la nature qui est constituée des 5 éléments fondamentaux, les pancha mahâ bhûta. Il comporte en lui ces 5 éléments mais certains peuvent être en excès ou en défaut et entraîner ainsi une maladie.
Il existe sept tempéraments :

  1. VATA
  2. PITTA
  3. KAPHA
  4. VATA – PITTA
  5. PITTA – VATTA
  6. VATA – KAPHA
  7. SAMA DOSHA : VATA – PITTA – KAPHA

Aucune constitution n’est meilleure qu’une autre, cependant, une hygiène de vie inappropriée à notre tempérament entraînera un déséquilibre et donc une maladie (vikriti). Le but du médecin est donc d’aller chercher ce qu’il manque chez son patient et de réduire ce qui est en excès.

Soigner la personne et non la maladie
L’âyurveda a comme objectif de soigner la prakriti du patient dans son intégralité et pas seulement de guérir la maladie : le patient doit être conduit à son « plein potentiel de bien-être (svastha) » (1). Le premier élément de diagnostic est l’observation (darshana) de la structure physique pour déterminer quel est le dosha dominant chez le patient. Après cette première impression, le médecin fait compléter un questionnaire détaillé (prakshna) qui va préciser la constitution. Il passe ensuite au toucher, à la palpation (sparshana) et à l’examen des pouls sur les trois zones de pouls qui correspondent aux trois dosha (nâdi praksha). Vient enfin le choix du traitement, cikitsa, qui consiste en un rééquilibrage corporel et psychique. Selon Malek Daouk, « de façon à rétablir l’équilibre rompu par un style de vie inadéquat – comme un rythme de vie trop trépidant ou trop sédentaire, une alimentation inadaptée –l’Âyurveda suggère des soins quotidiens pour retrouver l’équilibre et maintenir la santé, par le biais de la nourriture, des activités, des loisirs et des relations, en fonction de notre nature intrinsèque. » (2) Le patient est invité à participer à sa guérison, à ne pas être passif. Le premier médicament est l’alimentation (âhâra) qui doit être adaptée à la constitution. C’est la nourriture au sens propre, ce que l’on ingère et qui permet une bonne digestion mais aussi au sens figuré. De quoi nous nourrissons-nous par les sens de la vue, du toucher, de l’ouïe, de l’odorat ? Avons-nous une relation juste à la vie et aux autres, c’est à dire adéquate à notre tempérament ? D’autres thérapies sont proposées par l’âyurveda, notamment le panchakarma, qui est effectué sous la forme d’une cure de détoxification pouvant durer jusqu’à plusieurs semaines. Le panchakarma propose cinq soins :

En général, le patient est aussi purifié et libéré des toxines par la thérapie snehana qui consiste en des massages avec une huile médicinale qui correspond à son tempérament. Il peut également lui être proposé une thérapie rukshana qui consiste à assécher le corps avec l’argile, le vent ou le sel ou une thérapie svedana qui repose sur l’humidification du corps notamment avec des bains de vapeur.

Alimentation et âyurveda
Les aliments sont classés en six saveurs: doux (madhu), acide (amla), salé (lavana), amer (tikta), épicé (katy) et astringent (kashâya). Ils sont liquides, solides ou semi-solides. Il existe six catégories d’aliments: lourds, légers, onctueux, secs, chaud et froids. Les aliments sont toujours prescrits selon les saisons. Il y a ceux qui réchauffent (ushna vîrya) et ceux qui refroidissent (shita vîrya).

Quand yoga et âyurveda s’entremêlent…
Tout au long du stage animé par Malek et Sandra, nous avons pu découvrir à quel point le yoga et l’âyurveda peuvent être liés. Le père du yoga moderne, T. Krishnamacharya, était médecin ayurvédique et il a introduit dans son enseignement des notions issus de l’âyurveda, comme son fils T.K.V Desikachar. C’est le cas notamment des noms de certaines thérapies ayurvédiques qu’ils ont utilisés pour désigner une séance de yoga selon l’effet énergétique qu’elle aura chez le pratiquant: brimhana, la croissance, l’expansion, la tonification pour une pratique dynamique, intense; langhana, la fermeture, la rétraction, la réduction pour une pratique douce et samana, l’équilibre pour une pratique proposant des postures à la fois brimhana et langhana.
Dans les Yoga Sûtra de Patanjali, on trouve le vocable âyuh, “la longévité, la durée de vie”, présent dans le mot composé âyurveda. Le sûtra II, 15 nous enseigne que lorsque les klesa, les sources d’affliction au nombre de cinq (avidyâ, l’ignorance; asmitâ, l’ego; râga, l’avidité; dvesa,le rejet; abhinivesâh, l’angoisse) sont à l’origine de nos actions, cela va engendrer des “situations de vie diverses (jati): maladie, blessures, exclusion, perte, frustration…” (3), mais aussi avoir un impact sur la durée de notre vie (âyuh) et sur nos expériences (bhoga). Ainsi, si nos actes ne sont pas justes, car fondés sur les klesa, notre santé, notre équilibre et notre longévité en seront affectés.
Le yoga et l’âyurveda n’ont pas le même but: la libération, kaivalya, pour l’un; la santé, svastha, pour l’autre. Cependant, ce qui les relie est bien cette santé du corps et de l’esprit, indispensable pour que le yogi puisse parvenir à kaivalya. Patanjali évoque dans le chapitre I (I, 30) la maladie, vyâdhi, qui est le premier des neufs obstacles, antaraya, qui peut se dresser sur la voie du yogi et entraîner des perturbations mentales, citta viksepâh. Aussi, le déséquilibre physique entrave-t-il le pratiquant qui chemine vers le samâdhi, qui est l’antonyme de vyâdhi. Le corps est une notion centrale dans les Yoga Sûtra: on y trouve six occurrences du mot kaya, le corps, et deux occurrences du mot anga, les membres. Ce corps est le reflet de l’agitation mentale créée par les obstacles, antaraya. Dans le sûtra I, 31 sont énumérés les symptômes qui accompagnent cette agitation et deux d’entre eux ont leur siège dans le corps: angamejayatva, l’agitation corporelle, les tremblements et svâsa-prasvasâh , les difficultés respiratoires. Dans les sûtra suivants, Patanjali va énumérer les sept moyens pour surmonter ces obstacles. A nous d’en choisir un, ekatattva, celui qui correspondra le mieux à notre prakriti, à notre constitution et à notre état du moment. Il est donc possible de considérer ces sept moyens comme des “remèdes”, des “thérapies”.

Le sûtra III, 46 évoque lui aussi le corps et plus précisément sa perfection, sampat. Celle-ci s’acquiert par la conquête des éléments, bhûta jayah, grâce à la méditation, samyamât. Cette perfection du corps recherché par le yogi rejoint la santé recherchée par la médecine ayurvédique:

III, 46 rûpa-lâvanya-bala-vajra-samhananatvâni kâya-sampat

« La perfection du corps s’exprime par de beaux traits, de belles formes, du charme et de l’élégance, de la force et une résistance adamantine ». (4)

Dans son commentaire, Frans Moors précise quelle est cette perfection du corps et on y retrouve la quête d’équilibre de l’âyurveda en ce qui concerne l’alimentation et les activités: « Le charme (lâvanya) et les belles formes (rûpa) sont les caractéristiques d’un corps aguerri par les exercices adaptés, l’alimentation saine, en juste quantité, et tous les autres éléments de la discipline du yoga. La force (bala) est physique, mentale, morale, émotionnelle, de même que les qualités de stabilité et de résistance aux épreuves (samhanana). Elle s’exprime aussi par l’éclat, le pureté et la dureté du diamant (vajra) ».

Prendre soin de sa prakriti
La philosophie des Yoga Sûtra repose sur la dualité de l’être humain qui est à la fois prakriti, être de la nature périssable pour ce qui est de son corps et de son mental et purusa, conscience pure
impérissable et éternelle. Aussi, la libération du yogi et la révélation de sa propre nature spirituelle doit-elle passer par le corps et le mental et les expériences que ceux-ci permettent: autrement dit, il faut faire des expériences et s’en libérer. C’est ce que nous enseigne le sûtra II, 18, que nous avons étudié avec Sandra lors du stage:

II, 18 prakâsa-kriyâ-sthiti-sâlam-bhûta-indriya-âtmakam bhoga-apavarga-artham drsyam

« Le perceptible possède les dispositions (caractéristiques) d’éclairage, d’activation et de fixation. Constitué des éléments fondamentaux et des organes des sens, son but est de servir l’expérience et la libération [du voyant]. » (5)

Ce sûtra définit ce qu’est la prakriti que Patanjali nomme drsyam, “le visible, l’univers perceptible”.
Cette prakriti est identique à celle de la médecine ayurvédique, elle est constituée:
• des trois guna, “caractères de la nature”, sans cesse en déséquilibre. Patanjali leur donne des
noms différents mais ils ont les mêmes qualités: prakasa (sattva), le lumineux; kriya (rajas),
l’activité et sthiti (tamas), l’immobile et le dense;
• des cinq éléments fondamentaux, les maha bhûta: l’espace (âkâsa); l’air (vâyu); le feu (agni);
l’eau (ap); la terre (prthivî);
• des onze organes sensoriels (indriya): les cinq jnânendriya, organes de connaissance (l’ouïe, le
toucher, la vue, le gout, l’odorat); les cinq karmendriya, organes d’action (la parole, la préhension, la locomotion, la procréation et l’élimination); et manas, l’organe mental qui les ordonne.

Âsana et prânâyâma au service de la santé
Pour Patanjali, le corps est le champ dans lequel nous cultivons nos expériences. Pour le yogi, cela
s’expérimente dans l’âsana, la posture assise et toutes celles qui la préparent en plaçant le corps dans toutes les directions. Les Yoga Sûtra enseignent que l’âsana correctement exécuté a comme fruit “un équilibre intérieur parfait” (6) qui transcende les dvandva, les paires d’opposés (haut/bas, droite/gauche, chaud/froid, succès/échec, jour/nuit etc). On retrouve là la quête d’équilibre de la médecine ayurvédique.
De même, le prânâyâma est un travail respiratoire ayant pour but la bonne circulation de l’énergie dans le corps. Le yoga, comme l’âyurveda, accorde une grande importance aux vâyu, les cinq souffles d’énérgie vitale: prâna vâyu (énergie d’élévation et d’absorption située dans le haut du corps), apâna vayu (énérgie d’élimination située dans le bas du corps), samâna vâyu (énergie d’assimilation située au niveau du ventre et favorisant agni, le feu digestif), udâna vâyu (énergie d’expression avec la voix et le corps) et vyâna vâyu (énergie de répartition située dans tout le corps). On trouve des précisions sur ces vâyu et leur importance sur la santé dans la Hatha Yoga Pradipika.

Yoga et âyurveda: pratiquant et professeur
Le yoga est une pratique qui est très proche de l’âyurveda et qui peut servir de thérapie en ce qu’il est, selon Malek Daouk, “une hygiène physique et psychique qui donne la confiance en la possibilité d’une guérison du corps et de l’esprit” (7). Il nous incite à prendre soin de nous, comme le préconise Patanjali dans les sûtra II, 40-41 et 43 avec les notions de saucat, la purification, et de tapas, l’ascèse. Il guide vers une autonomie, une prise en main de notre pratique et de notre santé.
Le professeur de yoga a aussi beaucoup à apprendre du médecin ayurvédique. Il doit observer son
élève, l’écouter, apprendre à le connaître en le questionnant. Il doit adapter son enseignement, et notamment les âsana proposées, à la constitution de son élève pour ne pas aggraver ses douleurs et ses tourments mais au contraire les apaiser.

Ce stage proposé par Malek et Sandra a permis à tous les participants d’enrichir leur pratique et leur enseignement. L’âyurveda et le yoga sont porteurs d’espoir: ils nous accompagnent sur la voie du changement positif, parinâma, et de la guérison. A nous de mettre en pratique du mieux que nous pouvons la maxime latine: anima sana in corpore sano, un esprit sain dans un corps sain!

Longue vie à vous! Que le yoga vous apporte la santé et la joie!

Sophie B.

Notes:

  1. Malek Daouk, L’ÂYURVEDA au quotidien, Abrégé
  2. Idem
  3. Frans Moors, Patanjali Yoga-sûtra, traduction et commentaire, Les cahiers de PRÉSENCE D’ESPRIT
  4. Traduction de Frans Moors, Patanjali Yoga-sûtra, traduction et commentaire, Les cahiers de PRÉSENCE D’ESPRIT
  5. Idem
  6. Frans Moors, Patanjali Yoga-sûtra, traduction et commentaire, Les cahiers de PRÉSENCE D’ESPRIT
  7. Propos de Malek Daouk lors du stage « Yoga et ayurveda » co-animé avec Sandra Ermeneux, Juillet 2023