Sûtra … Vous avez dit Sûtra ??

A la recherche de la détente

Une fois par semaine nous pratiquons dans les salles une séance de yoga guidée par notre professeur. En quoi cette pratique composée de gestes, d’enchaînements et de postures corporelles est-elle différente de l’aérobic, de la gymnastique douce ou  autres techniques ? Et pourquoi le yoga est-il toujours aussi présent aujourd’hui ?

Comme un voyage extérieur et intérieur

« Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage, et comme … »

Certains vont faire un voyage dans un pays étranger, visiter les musées, contempler la beauté de paysages lointains. Il reste ensuite de belles images et comme il est dit, « les voyages forment la jeunesse ». Le cœur étant ouvert, notre esprit sera encore plus ouvert, compréhensif, serein. Enrichis de nos expériences, nous serons allégés des visions qui isolent et séparent, comme : « chacun voit midi à sa porte » ou « chacun chez soi ». Le voyage intérieur, comme celui de l’extérieur, permet à l’homme de s’ouvrir au monde, d’apprendre que nous vivons ensemble et de traverser les situations de la vie en faisant les découvertes de nous-même. Ce parcours est similaire à un pèlerinage allant de l’extérieur à l’intérieur pour mieux comprendre, mieux réagir et mieux agir.

A chacun son itinéraire

Guidé par notre tempérament, nous pouvons gérer toutes les situations et cela est le signe d’un bon équilibre. La force intérieure de la vie est réactive aux évènements externes. Curiosité et capacité de dépassement révèlent notre bon sens et la justesse de nos réponses dans une recherche de liberté. Chacun a son avis, chacun a
son point de vue sur la responsabilité, l’engagement, des décisions qu’il faut prendre, ce qui est à éviter, et c’est tant mieux. Néanmoins, « des questions se renouvellent » et nous y apportons les mêmes réponses qui ne soulagent, ni n’apaisent. Nous nous trouvons, au fil du temps, pris dans des réponses toutes faites, dans des routines, voire des situations répétitives. Il est peut-être temps de faire quelque chose ou de le faire de manière différente.
Chacun de nous vient au yoga pour fortifier son corps ou l’assouplir « se sentant un peu à l’étroit » dans son fonctionnement. D’autres personnes viennent entraîner leur souffle qui leur paraît un peu court ou chercher à détendre leur esprit, pris par les occupations du travail et questions relationnelles. Comment prendre du recul, faire quelque chose pour soi-même et se ressourcer un moment ? Faire un arrêt qui repose et régénère ?

La légende antique de Kâpila

Vivant dans une région lointaine, un sage du nom de Kâpila (celui qui a la peau brune) mit au point un système pour libérer quiconque de la souffrance. Il choisit un homme, Asuri (celui qui bataille), qui avait déjà vécu mille expériences différentes et lui demanda :

« Asuri, te plais-tu dans ce monde ? ».

Asuri répond : « Oui, il y a tant de choses à faire ! ».

Alors Kâpila l’envoya vivre mille autres situations. Puis il l’appela de nouveau pour lui poser la même question. Asuri fit la même réponse. Après avoir traversé mille nouvelles aventures, Asuri remarqua la répétition des histoires et commença à s’interroger. Kâpila comprit qu’Asuri était prêt à
recevoir l’enseignement.

Avant de commencer l’aventure yoga

Nous sommes en général fort envahis par les objets qui nous paraissent trop loin et absents ou trop près de nous et collants. Les objets peuvent être mal placés à notre goût ou encore nous fascinés ou bien en cachés d’autres. Certains d’entre eux sont similaires alors nous les confondons. Qu’est-ce qu’un « objet » ? Un objet est ce qui entre dans notre conscience et notre perception. Par exemple, le fauteuil hérité est un objet et je ne sais pas où le mettre mais ne peux m’en déposséder.

Une personne aimée devient l’objet de mon désir et si elle n’est pas là, je suis triste. Le bonheur, la santé, la force sont des objets que je cherche à acquérir. Un objet ici peut être un bien matériel, un être vivant, une situation ou une qualité. La concentration peut être un objet, mais aussi le doute, la confusion, la recherche. « Asuri » a vécu mille et mille et mille péripéties. Elles doivent être vécues pour éviter la frustration. Les ayant toutes vécues, quoi faire de tout cela sinon commencer à se comprendre soi-même.

Être prêt à entendre

Marie-Madeleine Davy, qui étudia Maître Eckart, un mystique rhénan, expliquait comment se structurait la conscience humaine. La conscience humaine est comme un oignon, composée de couches successives de peaux. En périphérique, les pelures sont fines et sèches, elles protègent de l’extérieur.

« Tout homme aspire au bonheur, à l’agréable, à l’aisance et nous savons comme il est hasardeux de croire que tout est acquis d’avance. »

Motivation, intérêt, désir

Comment prendre des repères dans nos attitudes, comment regarder nos conditionnements quand nous avons soif de liberté ? Comment mieux se connaître ? Il faut une méthode. En les enlevant les unes après les autres, apparaissent comme des enveloppes plus humides, épaisses, juteuses avec leur goût et odeur qui piquent les yeux. C’est au fond de ces states que réside le germe plein de vie qui, si l’oignon est mis en terre peut extérioriser son potentiel et ses racines, grossir pour monter sa tige à fleur et produire les graines.

Il en est de même pour l’être humain dont la conscience se compose en différentes sphères allant de l’extérieur avec les protections contre l’environnement puis de plus en plus profondément vers le noyau essentiel intérieur. Les mêmes circonstances de la vie sont vécues différemment suivant que nous nous plaçons à l’extérieur de nous-mêmes, en nous-mêmes ou encore dans notre noyau vital essentiel. La même situation peut paraître insupportable, acceptable,raisonnable ou normale.
Le point de vue et la manière de vivre une posture de yoga dépendront du niveau d’intériorité choisit à ce moment. Un son pourra agresser l’oreille pour certains et être agréable à d’autres. Un exercice sera pour certains physique et pour d’autres, source d’enseignement. La méthode vient de l’expérience des générations humaines qui ont vécues dans le passé les questions fondamentales : pourquoi cela m’arrive-t-il ? Qu’elle en est la cause ? Le temps ? Les autres ? La chance ? Et comment transformer cet état de tristesse en optimisme ? Comment gérer et comprendre le jugement, les changements, l’insupportable ?
Pourquoi doit-on pratiquer les postures en dynamique ou en statique ? Pourquoi la respiration est-elle si importante ? Qu’apporte la table à deux pieds, la flexion avant, les triangles, la posture de méditation ? Comment appliquer le yoga au quotidien ?

Venez à la porte, frappez et et on vous ouvrira

Connais-toi toi-même !
Le yoga propose donc une méthode, une démarche, une stratégie en huit domaines : notre relation aux autres, notre hygiène quotidienne à nous-mêmes, la  compréhension fonctionnelle de notre corps, l’observation de nos motivations énergétiques, de nos attractions et de nos répulsions sensorielles, l’éducation de notre pensée réactive, le retour à notre contenu du mental profond et enfin l’accueil de la créativité de la connaissance. Mais pourquoi huit et pas cinq ou douze domaines ? Et d’où cela vient- il ? La méthode a traversé le temps grâce à la mémoire des expériences au cours des âges, transmise et reçue par les générations de professeurs et d’élèves. Pour garder l’essentiel de cet enseignement et pouvoir l’actualiser même à une époque où Internet est entré dans chaque foyer et chaque individu est constamment relié aux ondes téléphoniques des portables, Patanjali (celui qui est tombé dans les mains réunies) a codifié un texte court composé d’aphorismes. Nous y trouvons les clés du fonctionnement de la pensée, de sa gestion et son importance dans les choix de nos actions.
Nous pouvons aborder le texte de deux façons :

  • Comme les pandits, érudits intellectuels, nous nous interrogerons sur l’époque de la création du texte, sur des formules grammaticales, sur la validité de telles ou telles techniques, sur ce qui doit être compris de ces textes. Nous resterons à la porte des sûtras.
  • Comme des acharyas, ceux qui ont essayé et pratiqué et qui en ont fait l’expérience eux-mêmes. C’est le début de l’aventure au fil du texte de la mémoire des  hommes, en approfondissant le contenu de nox pensées et expérimentant nos actions dans toutes leurs dimensions.

Comment ils et elles ont rencontré les Yoga Sûtra ?

  • Par surprise : V.C. est une jeune femme, active. Elle organise une grande fête familiale et se trouve anxieuse de la présence de certaines personnes. Dans l’action même, au moment de l’accueil des invités, elle se sent d’un seul coup, détendue et sereine. Elle vient de sesouvenir, en un éclair, d’une réflexion relative à un sûtra étudié en groupe, 3 jours avant.
  • Au cours de la pratique : A.N. est une femme de 41 ans venant d’un milieu scientifique. Elle souffre très régulièrement de migraines l’invalidant. Elle vient essayer le yoga pour le physique et la respiration en suivant des principes logiques et raisonnables. En quelques semaines, elle repère les causes de ses tensions et peut les gérer. Elle se pose des questions sur les effets qu’elle découvre par elle-même et trouve des supports à sa réflexion dans les sûtra sur l’amitié, la joie, la compassion…
  • Par le hasard ? : Années 70, M. P. est un jeune homme de 17 ans intéressé par le judo. Entrant dans une librairie de province, il achète un livre de poche, « pratique du yoga » (Il y a 40 ans, le yoga n’était par aussi connu que maintenant). Vingt ans plus tard, il découvre en faisant sa formation de professeur de yoga qu’il s’agissait des Yoga Sûtra de Patanjali.
  • Par maturité : G.L. est une femme de 72 ans ayant suivi de multiples cours de yoga, de salles en salles, d’école en professeur de yoga, décide de faire le point avec toutes ces connaissances. Elle redécouvre les sûtra et les approfondit. Cela l’amène à mettre de l’ordre dans ses souvenirs d’enfant, à faire la paix avec ses ascendants et descendants, avec sa culture. Pas à pas elle découvre les espaces de sérénité et de joie intérieure.

Le yoga est indissociable de sa théorie, que ce soit Hatha Yoga, Karma Yoga, Bhakti Yoga, Jnana Yoga, ou autre yoga classique ou école. Tous suivent une méthode avec un objectif, des outils et des manières de les pratiquer. L’essence de la pratique du Yoga, à l’image d’un sommaire de livre de cuisine, est contenue dans les Yoga sûtra de Patanjali.

Ils permettront de retrouver son chemin dans l’expérience humaine et d’aborder les autres textes relatifs à cette démarche.