Le Yoga pour Tous ! … Et les personnes handicapées

Avant de proposer un exemple de pratique spécifique, je voudrais développer dans cet article, différents éléments concernant le yoga pour les handicapés. Sur le chemin de la vie arrive parfois, au sein d’une famille ; l’imprévu, des traumatismes, maladies héréditaires, accident. L’enfant ou l’adulte se trouve diminué de ses chances de faire comme tout le monde. Les regards de l’extérieur changent et celui de l’intérieur protègent.

Qu’en est-il des personnes handicapées ? Le yoga peut-il être une aide ? Comment ? Depuis de nombreuses années, j’ai la chance de croiser des personnes handicapées moteur, des déficients intellectuels, des mal ou non voyants, des mal entendants, des trisomiques.

Comment ces personnes ont-elles pu trouver une aide, un réconfort dans la pratique de postures, dans les techniques du souffle et dans tous les autres exercices que j’ai pu mettre en place pour répondre aux différents handicaps afin d’inventer quelque chose de l’ordre de la confiance en soi, de l’apprentissage de l’écoute et du respect de l’autre et de soi-même.

Concevoir la situation du handicap est difficile pour une personne extérieure : ne pas pouvoir faire comme tout le monde dans la norme d’actions habituelles. L’approche de la pédagogie du yoga doit être reconsidérée en tenant compte de l’influence et de l’importance donnée aux regards des autres, le regard de la famille même, le regard des institutions, le regard des autres handicapés et bien sûr, le propre regard du handicapé sur lui-même.

Quelle importance le yoga peut-il représenter pour ces personnes ?

Nous pourrions considérer l’utilisation du yoga suivant le niveau d’altération des facultés personnelles.

handicap moteur

Le yoga soutient les efforts de la personne handicapée moteur qui doit fait face aux déplacements en fauteuil, à l’absence de membres, à des muscles non maîtrisés, à un système nerveux déficient. Les exercices de yoga tendent à préserver l’équilibre des fonctions vitales. Des mouvements spécifiques aident la circulation sanguine dans les régions qui restent immobiles. Sur le rythme du souffle, répétés progressivement, les exercices de conscience apportent des impulsions dans les membres oubliés. Je me rappelle cet homme dont le bassin qui avait été fracturé en de multiples endroits, vivait dans son fauteuil avec une anxiété, celle de tomber et de rester au sol sans force. Nous avons mis en place un entraînement spécial afin qu’il retrouve la musculature utile à ses déplacement dans le but de descendre et remonter dans son fauteuil. Il a pu fortifier ses bras, son dos et ses abdominaux. Les gestes inhabituels et les variantes des postures permettent d’éveiller et de revitaliser le corps dans ses énergies.

Les déficients mentaux ont besoin d’être guidés dans le gestes, le souffle et le rythme pendant une période plus ou moins longue. Quand ils ont repérés et mémorisés les exercices, ils s’approprient les mouvements associés à des phrases, des textes ou des sons. Les chants, avec leurs mélodies et leurs impulsions leur permet de communiquer, s’exprimer et canaliser leur attention. Les rappels de consignes fréquents et judicieusement placés dans les enchaînements favorisent des corrections qui se concrétisent par des progrès tant réflexes que comportementaux : par exemple sur des bégaiements, des tics ou des asymétries. Le travail collectif permet d’installer des rapports sociaux respectueux, dans la compréhension et l’écoute de l’autre. Ce yoga favorise l’approche du corps physique et émotionnel grâce à des ambiances qui reposent les systèmes nerveux. Mes expériences en CAT (centre d’adaptation par le travail) m’ont permis de concevoir des séries d’enchaînements évolutifs pour la santé. Ce travail se fait en harmonie avec les enseignants et les éducateurs qui encadrent ces personnes. J’ai rencontré dans ces groupes des handicapés moteur, des déficients mentaux et des trisomiques, avec leurs différences. Ces séances deviennent un lieu de production de paix et d’échange et d’enrichissement pour tous.

Les handicapés visuels peuvent l’être de naissance , ou le devenir au cours de la croissance ou encore lors d’une période plus récente. L’absence de repères visuels, source d’asymétries physiques et d’habitudes de précautions, se compense par une suractivité auditive, avec tous ses inconvénients par rapport aux stress dus aux bruits. Le toucher est aussi un organe très utilisé. Ces deux évidences demandent à l’enseignant une précision toute particulière quand il donne ses consignes. En effet l’ordre des mots produisent une suite de suggestions qui doivent être cohérentes pour le débutant, mais doivent aussi le rester par la suite, sinon la progression est rompue ou encore le doute physique s’installe. Le toucher peut leur permettre de « voir » un schéma à réaliser, avec des directions et des axes et des points clés. Etre toujours sur un qui-vive, rester en alerte,  devenir «  un radar », représente un surcoût pour le système nerveux qu’il faut reposer par les techniques du yoga, principalement les prânâyâma. J’ai rencontré, dans ma pratique d’enseignant, des jeunes gens qui ont appris par le yoga, à trouver en eux les points de référence stables . En effet, cela leur a permis de moins être troublé par les agitations extérieurs. Ils ont acquis la possibilité de reconsidérer leurs sensibilités aux regard des émotions vécues autour d’eux et d’en être moins imprégnés.

Et les personnes trisomiques, si touchées par les marques d’affection , revendiquent leurs particularités. Certains très au courant des évènements familiers comme la coupe du monde pour les passionnés de sport, la grève des transport pour les anxieux, le décès ou la naissance dans leur propre famille ou chez des amis, tous marquent leur intérêt profond à ce qui les entoure. Les pratiques que je leurs propose comprennent presque toujours du chant ou des sons, dans le but de leur permettrent un partage et un recentrage, des enchaînements simples et progressifs afin de solliciter des interactions entre leur schéma corporel et la gestion de l’espace, une production graphique ou de dessins dans le but d’exprimer leurs sensibilités. Ces séances ressemblent à un foisonnement de signaux de communication tous plus riches et passionnants.

Oui le yoga peut apporter à tous du réconfort, de l’apaisement, de la connaissance de la vie. Comme des arbres sur cette terre, nous avons nos racines, égaux au contact du sol, en ce qui concerne les feuilles et les branches nous partageons nos différentes conceptions et idéations. Le yoga est une source d’inspiration donnant des moyens d’aborder les normes des plus banales à celles qui peuvent être si loin de nous.
La simple respiration en levant les bras, si banale pour la personne qui pratique  juste depuis un mois, devient pour le handicapé une source de libération, une joie, une source de connaissance et de communication.
Quelque soit le handicap, le yoga bien appliqué corrige et atténue les effets négatifs de la pesanteur sur la colonne vertébrale. La répétition de certains mouvements compense les positions du bassin.

 Il y a un mystère. La pratique du yoga tend à soutenir intérieurement une force d’équilibre appelée par les anciens « cikitsha shakti », appelée aussi principe auto guérissant. Le yoga aide les personnes handicapées à mieux vivre, pour certains, leur handicap, pour d’autres à trouver leur place dans la société actuelle, pour d’autres encore, à les préparer à une certaine autonomie.

Jean-Yves DEFFOBIS