ADHI SHANKARA , philosophe, réformateur, métaphysicien et commentateur

Grand réformateur de l’hindouisme, Shankara est un personnage historique autour duquel s’est construite une légende (788 – 820 après JC). Considéré comme un grand maître, la légende voit en lui un « Avatar » (d’origine divine). Fondateur de plusieurs écoles de doctrines, il a eu au cours des siècles un grand nombre de disciples.

Aujourd’hui encore certains se réclament de sa philosophie spirituelle et transmettent ses enseignements.

La légende
Avant sa naissance, ses parents furent visités par le dieu Shiva. Il leur demanda de choisir entre de nombreux enfants à la vie ordinaire ou un seul fils dont l’existence extraordinaire aurait une renommée exceptionnelle. Sans hésitation ils choisirent l’enfant prodige. Ainsi naquit dans le Kerala (sud de l’Inde), Shankar dont le nom signifie « qui apporte la Félicité ».

Dès son plus jeune âge, il se révèle d’une intelligence hors du commun. Sa mère, aimante et fière de son fils âgé seulement de 8 ans, refuse de le voir partir pour devenir sannyasin (ascète). Un jour se baignant avec son fils dans la rivière proche de leur village, un crocodile attrape la jambe du petit garçon et menace de l’emporter vers le fond. Sa mère affolée fait le serment de le laisser partir s’il survit. A cet instant, l’animal lâche l’enfant. Shankara a alors la prémonition que sa vie sera de courte durée et qu’il n’y a pas un moment à perdre pour accomplir son œuvre. La légende raconte qu’il parcourt toute l’Inde pour rejoindre son « Guru » : Govindapada.

Le yogi

Animé du désir d’atteindre le samadhi (libération), il pratique le yoga, la méditation et étudie les textes védiques sous la conduite de son maître. A l’âge de 12 ans il est déjà considéré comme un sannyasin accompli, il fait des miracles grâce à ses pouvoirs acquis par sa pratique et connait tous les védas*1. Son guru lui donne pour tâche de commenter et de réformer l’ensemble des textes. Il achève ce travail de réécriture à l’âge de 16 ans. A partir de ce moment et ce jusqu’à sa mort dans l’Himalaya à l’âge de 32 ans, il ne cessera de parcourir l’Inde, afin de transmettre son enseignement.

Son enseignement

Au VIIIème siècle, la religion hindoue connait une grande crise. Divisée en une multitude de dieux, de sectes, de cultes divers, les rituels archaïques ou dévoyés prônaient des sacrifices animaux et parfois même humains. Outre les querelles sanglantes entre les différents courants, une partie des fidèles commençaient à déserter les temples au profit du Bouddhisme, alors plus pacifique, tourné vers la pratique de l’amour et de la compassion. Shankara réformateur des textes védiques arrive à convaincre par son intelligence, ses capacités d’orateur et quelques miracles, les prêtres et les fidèles de l’hindouisme que les dieux ne demandent pas du sang sacrificiel. Les offrandes de fleurs, de lait, d’épices et d’encens par leur subtilité sont mieux accueillis par des dieux qui vivent dans des mondes éthérés. Face à la multitude des divinités qui s’affrontent, il enseigne la supériorité de Brahmâ comme principe divin unique. Il se base pour cela sur les commentaires novateurs qu’il fait des principales Upanishads*2 et de la Bhagavad Gita*3.

Son oeuvre

Shankar est le fondateur du courant dominant de la philosophie indienne: l’Advaita Vedanta, ce qui signifie « non-deux » connu également sous le nom de monisme. Pour ce courant philosophique tout se fond dans une seule et même énergie, notre ignorance est responsable de notre vision erronée de la réalité. Le principe divin se « partage en trois facettes : Brahmâ le créateur qui contient les deux suivants, Vishnou qui maintient et protège la création, Shiva qui détruit ce qui doit disparaitre.

A la fin de sa vie Shankar aura fondé 4 grandes écoles védiques aux 4 coins de l’Inde et 10 ordres monastiques pour les différents cultes aux dieux auxquels tenaient les hindous, encore en vigueur de nos jours.

Ses écrits : Outre la réécriture et les commentaires de l’ensemble des textes védiques, il est l’auteur d’un texte dans lequel il « résume » sa philosophie et sa vision spirituelle :
Vivéka chudamani : « le joyau suprême de la discrimination » (dans le sens clairvoyance entre le réel et l’irréel). Sous forme d’un dialogue entre le maître et son élève, ce dernier parvient au fil des questions réponses à atteindre la libération en prenant conscience de la non dualité. La question pivot du dialogue est : qui suis-je? Qui est ce « je » ? En expliquant qu’il n’est pas ce corps physique même s’il l’habite, qu’il n’est pas le mental, qu’il n’est pas le corps d’énergie, ni celui de connnaissance, ni celui de joie mais ce qui englobe tout et le transcende. Pour finalement atteindre l’état de « Sat- cit- ananda » : Etre (éternel équilibre) Esprit (conscience connaissance claire sans limite) Félicité (extase, Joie, plénitude sans condition). Il explique aussi dans ce texte que pour lui, le but ultime du yoga est de sortir le pratiquant de la dualité. C’est ce qu’il nomme la voie royale : Raja Yoga.

Citations de Shankar « La distinction entre le connaisseur, la connaissance et le connu n’existe pas pour le Soi suprême. Etant l’unique conscience et félicité, il brille par lui seul. » « L’état de « libéré » signifie que la personne sage, ayant abandonné ses limitations et qualités passées et acquérant les propriétés de l’être, de la conscience et de la félicité, atteint Brahman, de la même façon que la chenille devient papillon. »

Ses disciples Ramakrshna (1836-1886) et son disciple Vivekananda (1863-1902) qui fit connaitre la philosophie spirituelle de son maître en occident. Philosophie tirée de l’Advaita Vedanta, par laquelle il place la spiritualité et le principe divin au-dessus de toutes les religions. Ils développent le Bhakti yoga. Sri Aurobindo (1872-1950) poète, philosophe, yogi et homme politique indien. Il prône le yoga intégral. Ramana Maharshi (1879-1950) maître d’Advaita vedanta qui aura de nombreux disciples occidentaux.

1)Védas : Ensemble de textes révélés par l’audition aux grands sages indiens nommés Rishis. Signifie littéralement : vision, ce qui a été révélé. Ces textes ont été transmis oralement depuis leur origine.

2) Upanishads : signifie littéralement « assis par terre au pied du maître pour écouter l’enseignement ». Ensemble de textes philosophiques et mystiques de la littérature de l’hindouïsme qui furent transmis secrètement de la bouche du maître à l’oreille du disciple. Minimum trente siècles depuis leur origine.